Politiques et privés
Trois dynamiques clés traversent l’actualité ferroviaire ce mois-ci. D’abord, un retournement budgétaire significatif : plusieurs projets structurants comme les lignes à grande vitesse PACA et Bordeaux–Toulouse sont remis en question dans le cadre du plan d’économies 2026. En parallèle, certaines régions – à l’image de l’Occitanie ou de la Normandie – poursuivent des stratégies d’investissement volontaristes, parfois en autonomie croissante vis-à-vis de l’État. Ensuite, de nouvelles technologies émergent et redessinent les perspectives techniques du secteur. Des initiatives variées – du train à hydrogène aux panneaux solaires entre les rails, en passant par le suivi satellite du fret ou les systèmes à énergie régénérative – renouvellent le potentiel d’exploitation, y compris sur les petites lignes. Enfin, des rééquilibrages géopolitiques s’esquissent. L’Italie renforce sa coopération ferroviaire avec l’Afrique, l’Asie teste des modèles à hypervitesse à grande échelle, et l’Amérique du Nord mise sur des corridors logistiques transfrontaliers à capitaux privés. Ces projets traduisent des stratégies industrielles contrastées, mêlant diplomatie, désenclavement et souveraineté technologique.
L'actu de ce numéro
Dossiers
- La ligne nouvelle ferroviaire Provence-Côte d’Azur suspendue par l’État pour faire des économies? et La LGV Bordeaux-Toulouse sacrifiée au nom des économies pour le budget 2026 ? Dans le cadre de son objectif de 40 milliards d’euros d’économies pour le budget 2026, l’État envisage de suspendre plusieurs grands projets ferroviaires, dont les LGV du Grand Projet Sud-Ouest et de Provence-Côte d’Azur. Cette perspective suscite indignation chez les élus, inquiets pour l’avenir des infrastructures régionales.
- Regain de tension autour du projet de nouvelle ligne ferroviaire entre Paris et la Normandie. La validation du schéma d’aménagement Sdrif-E sans mention explicite de la LNPN alimente les tensions entre l’État, qui maintient le projet comme d’intérêt national, et la région Île-de-France, qui y voit un abandon déguisé en raison des impacts écologiques dénoncés. Un comité de pilotage en juillet devrait clarifier la gouvernance et répondre aux critiques locales, malgré une opposition persistante au sein des territoires concernés.
- (fret) Le ferroviaire se remet sur les rails en 2024. En 2024, le transport ferroviaire de marchandises en France a rebondi grâce à une hausse de 20 % du transport combiné, bien que le volume total (32 Mds t.km) reste inférieur de 10 % à celui de 2021-2022. Hexafret reste leader avec 42 % de part de marché malgré une chute de 23 % de son trafic depuis 2022.
- France : en 2024, la fréquentation des trains a augmenté de 6%. En 2024, le transport ferroviaire français a connu une fréquentation record, soutenue par une augmentation de l’offre (+6 %), l’effet modéré du Pass Rail et l’absence de grèves majeures. Malgré la concurrence croissante, la SNCF conserve 84 % du marché TGV, tandis que la dynamique est également forte en Europe, notamment en Espagne (+14 %).
- Le gouvernement confirme que Jean-Pierre Farandou reste PDG par intérim. Jean-Pierre Farandou voit son intérim à la tête de la SNCF prolongé sans date de fin précisée, tout en conservant les fonctions de président et de directeur général. L’interdiction liée à la limite d’âge ne s’appliquerait pas dans ce cadre exceptionnel, et une décision concernant son successeur est attendue d’ici septembre, même si le successeur pressenti (Jean Castex) ne soit dégagé de toute restriction juridique que mi-Novembre.
- ENTRETIEN. « On pourrait faire rouler 20 % de trains en plus en France », dit le PDG de SNCF Réseau. Matthieu Chabanel, PDG de SNCF Réseau, alerte sur la dégradation potentielle de 4 000 km de voies d’ici 2028 sans augmentation des investissements annuels à 4,5 milliards d’euros. Il plaide pour une modernisation urgente du réseau ferroviaire afin d’accompagner la croissance du trafic, améliorer la résilience climatique et soutenir les usages futurs, notamment le fret et la mobilité militaire.
L’international
- L’Italie accueille un sommet sur les investissements en Afrique, soutenu par l’Union européenne. Lors d’un sommet à Rome, Giorgia Meloni a présenté le Plan Mattei, visant à limiter l’immigration africaine par des partenariats économiques, en synergie avec le programme européen Global Gateway. Au cœur de ce plan figure le corridor de Lobito, infrastructure stratégique reliant l’Angola à la Zambie via la RDC, conçue pour faciliter le transport des minerais, l’agroalimentaire et l’énergie, et renforce la présence géopolitique de l’Italie en Afrique.
- Transition énergétique : la Suisse teste une centrale photovoltaïque posée entre des rails et qui pourrait s’exporter dans le monde. La start-up suisse Sun-Ways a inauguré à Neuchâtel une centrale ferrovoltaïque test, installant 48 panneaux solaires amovibles entre les rails pour produire de l’électricité sans mobiliser de nouveaux terrains. Bien que la production reste modeste, cette technologie promet une installation rapide et peu intrusive, suscitant l’intérêt international pour son potentiel d’exploitation des 5 000 km de voies ferrées suisses.
- Un ambitieux projet ferroviaire Angola – Namibie pour renforcer l’intégration régionale. L’Angola prévoit, avec la Namibie, une ligne ferroviaire stratégique de 275 km entre Lubango et Santa Clara, appuyée sur le corridor de Moçâmedes, pour renforcer l’intégration logistique régionale. Ce projet s’inscrit dans une stratégie nationale de diversification post-pétrolière, visant à faire de l’Angola un hub logistique africain via les corridors ferroviaires de Lobito, Benguela et Luanda.
- Luxembourg-Londres en train, une alternative à l’avion qui prend son temps. Eurostar prévoit d’ouvrir d’ici 2030 de nouvelles liaisons internationales, dont Londres-Genève, Londres-Francfort et Amsterdam-Genève, grâce à 50 nouveaux trains transmanche, visant 30 millions de passagers annuels. Bien que le Luxembourg reste absent des plans actuels, sa position stratégique et sa connexion à Bruxelles en font un candidat potentiel à de futures liaisons vers Londres.
- Quel est ce projet de pont entre la Sicile et le continent qui fait polémique en Italie ? Construire le plus long pont suspendu du monde pour relier la Sicile à la Calabre, malgré de nombreux risques sismiques, environnementaux et une méfiance généralisée liée à l’instabilité politique et à la corruption. Malgré un budget de 13,5 milliards d’euros et la promesse d’emplois et de développement régional, de nombreux experts et habitants dénoncent un chantier irréaliste, détournant des fonds urgents au détriment des infrastructures de base.
- High Speed 2 : le rêve ferroviaire britannique tourne au cauchemar. Le projet britannique de ligne à grande vitesse HS2, lancé pour désenclaver le nord du pays, est devenu un fiasco marqué par des retards, des coûts multipliés par trois et l’abandon de la majorité du tracé. Prévu initialement pour relier Londres à Manchester et Leeds, il s’arrêtera à Birmingham, symbolisant l’échec d’une vision ferroviaire nationale, en pleine renationalisation du rail.
- L’AFC plaide pour l’allocation de 4 000 milliards de dollars d’épargne africaine vers la transformation des infrastructures en Afrique. L’Africa Finance Corporation révèle que plus de 4 000 milliards de dollars de capitaux africains sont disponibles mais sous-utilisés, et appelle à les mobiliser pour transformer les infrastructures du continent, notamment l’énergie, les transports et l’industrie. Le rapport 2025 met en avant l’urgence d’investir dans des réseaux électriques interconnectés, une renaissance ferroviaire de 7 000 km et la relocalisation de chaînes de valeur industrielles clés comme l’acier et les engrais.
- « Le pont ferroviaire le plus haut du monde » : l’Inde inaugure une ligne ferroviaire sans précédent au Cachemire. Narendra Modi a inauguré une ligne ferroviaire stratégique au Cachemire dotée du pont ferroviaire le plus haut du monde, symbole d’affirmation nationale dans un contexte de tensions récentes avec le Pakistan. Longue de 272 km, cette ligne réduit de moitié le temps de trajet vers le Ladakh et renforce la logistique civile et militaire dans une région en conflit depuis 1947.
Régions
- Le CDG Express reliant la Gare de l’Est à Paris-CDG sera inauguré en mars 2027. Après d’importants retards, le CDG Express, liaison directe entre la Gare de l’Est et l’aéroport Paris-CDG, sera mis en service le 28 mars 2027. Destiné aux voyageurs aériens, il offrira un trajet de 20 minutes toutes les 15 minutes, mais suscite des critiques en raison de son tarif estimé à 24 euros, non intégré au Pass Navigo.
- Une ligne de train rouvre dans les Pyrénées : un exemple à suivre pour celle entre Bedous et Canfranc ? La région Occitanie a financé seule (une première en France), pour 67 millions d’euros, la réouverture de la ligne Montréjeau–Luchon, fermée depuis 2014, dans une optique de revitalisation territoriale et de transition écologique. D’abord desservie par des trains hybrides, cette ligne accueillera dès 2026 des rames à hydrogène, marquant un tournant technologique pour le ferroviaire en zone rurale. Voir aussi : Transport ferroviaire : Carole Delga appelle à « révolutionner » le financement du rail pour sauver les petites lignes. Carole Delga propose de consacrer 20 milliards d’euros sur 10 ans au ferroviaire via les recettes autoroutières, faisant ainsi financer le rail par la route. Elle plaide aussi pour une écotaxe sur les véhicules en transit international et l’affectation d’une part des quotas carbone européens au transport décarboné.
- Normandie : Le grand virage ferroviaire de la Région. Depuis 2016, la Région Normandie a investi plus de 2,4 milliards d’euros pour moderniser son réseau ferroviaire, avec transfert de compétences des lignes Intercités et renouvellement intégral du matériel roulant. Les 27 rames OMNEO 2 sont désormais en service sur les principales liaisons Paris-Normandie, appuyées par une relocalisation de la maintenance.
- L’Etat annonce un plan de 520 millions d’euros pour les mobilités en vue des JO d’hiver. Le gouvernement investit 520 millions d’euros pour moderniser routes et voies ferrées dans les Alpes du Sud en vue des JO d’hiver 2030. Le plan prévoit une liaison express Marseille–Briançon en 3h40, la sécurisation de grands axes routiers et la création de pôles d’échanges multimodaux.
Entreprises
- Transdev sous pavillon allemand. La France a autorisé la vente de 32% de Transdev au conglomérat Allemand Rethman, qui en détenait déjà 34%, pour une valorisation totale de 1,4 Md€. La participation de la caisse des dépôts (CDC) au capital de l’opérateur passe de 66% à 34%.
- Alstom : 96 rames supplémentaires pour le RER D. Suite du contrat-cadre signé entre SNCF Voyageurs et Alstom en 2017, cette commande de 96 rames de RER NG s’élève à 1,7 Md€ et sera entièrement financée par Île-de-France Mobilités.
- Alstom inaugure un nouveau site à Aix-en-Provence. Alstom a inauguré à Aix-en-Provence un site de 7 300 m² réunissant 300 employés pour développer des systèmes de contrôle pour métros et tramways, ainsi que des solutions électriques et à hydrogène. Ce centre Delta intègre une mégafactory où seront produites des piles à hydrogène de nouvelle génération, dont celle de la première drague à hydrogène au monde.
- Bouygues: Colas signe un contrat de maintenance ferroviaire de 58 millions d’euros au Royaume-Uni. Colas Rail a remporté un contrat de 58 millions d’euros sur cinq ans avec Network Rail pour exploiter et entretenir 11 trains spécialisés dans le traitement saisonnier des voies au Royaume-Uni. L’entreprise assurera notamment le déneigement en hiver et le nettoyage des rails en automne pour garantir la sécurité et la performance du réseau.
- La SNCF avance sur TELLi, son train léger deux fois moins cher qui peut relancer les lignes rurales délaissées. La SNCF développe TELLi, un train léger hybride batterie-pantographe offrant 200 km d’autonomie, conçu pour revitaliser les petites lignes rurales à moitié prix des modèles actuels. Avec des innovations techniques et une faible empreinte carbone, il est soutenu par plusieurs régions et vise une mise en circulation d’ici 2030.
- Une alliance inédite pour renforcer la filière ferroviaire (SIFER). SNCF Réseau, RATP Infrastructures et plusieurs acteurs du secteur créent l’Alliance de l’Industrie et de l’Ingénierie des Réseaux Ferroviaires pour renforcer la coopération, moderniser les infrastructures et structurer durablement la filière. L’Alliance engage dès cette année des actions concrètes en écoconception, formation, sécurité et gouvernance collective, pour une transformation coordonnée du réseau ferroviaire français.
- Transport ferroviaire sous surveillance satellite : que vaut le duo KLOG – ORBCOMM ? KLOG et ORBCOMM déploient une solution de surveillance satellite pour garantir un suivi ininterrompu du fret ferroviaire, même dans les zones sans réseau mobile. Cette technologie autonome et solaire renforce la fiabilité logistique, rendant le transport intermodal européen plus sécurisé, performant et résilient.
- Train du futur : cette entreprise australienne dévoile l’Infinity Train, une prouesse technologique unique. L’entreprise australienne Fortescue Zero a dévoilé l’« Infinity Train », un train électrique autonome en énergie grâce au freinage régénératif, exploitant l’énergie gravitationnelle des descentes pour se recharger sans infrastructure externe. Destiné à décarboner les opérations minières, ce prototype promet l’élimination des trains diesel d’ici 2030, mais son efficacité reste à confirmer sur des trajets en montée ou sans cargaison.
- Les États-Unis soutiennent un corridor ferroviaire autonome de 10 milliards de dollars entre le Texas et le Mexique. Le projet privé prévoit un corridor ferroviaire autonome de fret surélevé entre Laredo (Texas) et Monterrey (Mexique), récemment autorisé par un permis présidentiel américain. Le système, utilisant des navettes électriques-diesel automatisées, pourrait gérer jusqu’à 10 000 remorques par jour, mais dépend encore d’autorisations et d’acquisitions foncières avant un lancement envisagé au début des années 2030.
- Flixtrain veut libéraliser le marché ferroviaire en Europe. Flixtrain commande 65 voitures Talgo 230 pour 1,06 milliard d’euros afin d’accélérer son expansion en Europe avec des trains à grande vitesse interopérables circulant jusqu’à 230 km/h. Face à la Deutsche Bahn, l’opérateur entend capter une part croissante d’un marché ferroviaire européen en forte croissance.
Et aussi..
- Quel nouveau paysage ferroviaire demain ? Depuis 2024, la SNCF et Transdev se partagent l’exploitation de lignes TER à la suite d’appels d’offres régionaux, amorçant une véritable ouverture à la concurrence. Ce changement structurel, piloté par les régions, transforme profondément le modèle ferroviaire français en renforçant l’autonomie des opérateurs et en élargissant l’offre aux usagers.
- Pour détecter les pannes à l’avance, la SNCF mise sur la maintenance prédictive, et c’est très efficace. La SNCF déploie la maintenance prédictive sur ses trains grâce à des milliers de capteurs et à l’analyse de données, permettant d’anticiper les pannes et d’optimiser l’entretien sans bouleverser les plans de maintenance prévus. Cette approche améliore la fiabilité du service tout en réduisant les temps d’immobilisation des rames et en renforçant la performance globale du réseau.
- Hycerail : un autorail à moteur hydrogène pour décarboner le ferroviaire espagnol. L’Espagne lancera fin 2025 les essais d’un moteur à combustion interne fonctionnant à l’hydrogène vert, installé sur un autorail des années 1960 dans le cadre du projet Hycerail. Développé par Progener, ce moteur de 200 kW sera testé sur 11 km de la ligne Villablino-Compostilla, avec une capacité totale de 70 passagers.
- SNCF : montez à bord du futur TGV grâce à la réalité virtuelle. Le futur TGV M, attendu début 2026 sur la ligne Paris-Lyon-Marseille, peut déjà être exploré en réalité virtuelle grâce à la start-up Uptale. Le modèle virtuel de ce train de nouvelle génération visant à devenir une référence mondiale de la grande vitesse et conçu avec plus de 400 innovations, offre une immersion à 360° de ses aménagements.
- 623 km/h sans toucher les rails : le train T-Flight pulvérise un record de vitesse avec sa lévitation magnétique futuriste. La Chine développe un projet hyperloop ambitieux visant 1 000 km/h d’ici 2035, avec des essais prometteurs déjà menés à 623 km/h grâce à la lévitation magnétique en tube sous vide. En construisant une ligne pilote Shanghai–Hangzhou et en s’appuyant sur son expertise ferroviaire, elle entend transformer radicalement les transports ultrarapides malgré des défis techniques et économiques.
- Orient Express dévoile le plus grand voilier de croisière du monde à Saint-Nazaire. Mis à l’eau en juin 2025 à Saint-Nazaire, le Corinthian est un voilier de croisière de 220 mètres, premier du genre signé Orient Express, combinant propulsion vélique innovante SolidSail et motorisation hybride au GNL pour un luxe durable. Conçu comme un palace flottant avec 54 suites et une gastronomie étoilée, il entamera ses premières croisières en Méditerranée en 2026.