Financement climatique
Trois grandes tendances se dégagent nettement de l’actualité ferroviaire ce mois-ci. Premièrement, le retour en force des investissements dans les infrastructures : qu’il s’agisse de la modernisation du réseau français, des ambitions régionales (Occitanie, AuRA, LNPN, GPSO) ou de projets européens majeurs comme Rail Baltica, les annonces abondent. Pourtant, plusieurs voix s’élèvent pour dénoncer des financements trop tardifs ou mal répartis, au détriment des projets à effet rapide comme l’ERTMS. Deuxième tendance, l’urgence climatique s’impose avec acuité – entre inondations, incendies, glissements de terrain et innovations comme le système sismique italien, les opérateurs s’interrogent : le train est-il prêt à affronter les chocs environnementaux à venir ? Enfin, l’intensification de la concurrence rebat les cartes : Velvet se positionne face à la SNCF, la Belgique écarte Alstom au profit de CAF, et les États-Unis envisagent leur premier réseau transcontinental privé. Le ferroviaire est en mutation rapide, entre transition écologique, arbitrages politiques et luttes industrielles.
L'actu de ce numéro
Dossiers
- 2025, année faste de fréquentation pour la SNCF (qui dégage un bénéfice de 950M€ au premier semestre, en dépit d’un manque de trains), en Suisse, comme en Chine.
- La météo s’invite encore dans l’actualité, avec de violentes intempéries en Savoie, des inondations catastrophiques en Catalogne, un glissement de terrain meurtrier en Allemagne, de fortes pluies en Normandie, des incendies à Marseille. Certains posent la question « Le train survivra-t-il au réchauffement climatique ? ».
- Les concessions d’autoroutes vont être « renouvelées » avec un « cadre plus exigeant », annonce le ministre des Transports. Philippe Tabarot présente une loi sur les transports fixant les orientations de financement jusqu’en 2030, avec un renforcement du contrôle des concessions autoroutières et un recentrage des recettes de péage sur les infrastructures. Le texte prévoit aussi une hausse des investissements pour moderniser le réseau ferroviaire et soutenir la transition écologique. Mais ce financement, salué comme une décision historique par Jean-Pierre Farandou, n’interviendra qu’en 2031 et les acteurs ferroviaires dénoncent l’absence de solutions concrètes immédiates, soulignant que la situation structurelle du réseau, connue depuis des décennies, reste sans réponse politique cohérente et durable.
- Le ferroviaire soutenu par le financement européen des projets d’infrastructures. La France bénéficiera d’environ 140 M€ de subventions européennes pour 19 projets de transport sélectionnés dans le cadre du Mécanisme pour l’Interconnexion en Europe, dont plusieurs liés à la ligne nouvelle Provence-Côte d’Azur (LNPCA) et à la modernisation ferroviaire. Ils soutiennent des infrastructures durables, le déploiement de l’ERTMS, le rétrofit de locomotives, et la résilience climatique du réseau ferroviaire.
- T&E : Le financement ferroviaire de l’UE est trop axé sur les mégaprojets, alors qu’il est préoccupant pour les mises à niveau essentielles et le déploiement de l’ERTMS. Selon l’ONG Transport & Environment, sept mégaprojets ferroviaires ont capté un tiers des fonds CEF entre 2021 et 2023, au détriment d’améliorations essentielles comme l’ERTMS, sous-financé malgré son rôle clé dans l’interopérabilité. T&E appelle à un rééquilibrage budgétaire en faveur de projets à court terme, plus efficaces pour améliorer la connectivité et réduire les émissions rapidement
L’international
- « C’est le début d’un nouveau corridor européen » : la fin du chantier colossal du pont Rail Baltica sur la Daugava marque un tournant stratégique pour la région. Le consortium BERERIX a achevé un mois en avance la première phase du pont ferroviaire sur la Daugava, utilisant pour la première fois dans les pays baltes la technique innovante de coffrage mobile en porte-à-faux, renforçant ainsi le projet Rail Baltica. Cette étape majeure améliore la connectivité régionale entre les pays baltes et l’Europe, tandis que la construction des piles et du tablier reste conditionnée à la sécurisation des financements.
- La Grèce s’apprête à remplacer le gestionnaire de l’infrastructure de l’État dans le cadre d’une révision majeure du secteur ferroviaire. La Grèce prévoit de remplacer l’OSE par une nouvelle entité, Hellenic Railways S.A., plus agile et moins contrôlée par l’État, dans le cadre d’une réforme ferroviaire visant sécurité, performance et modernisation. Ce projet, motivé par des décennies de sous-investissement et la catastrophe de Tempi, combine réorganisation structurelle, innovations technologiques et nouveaux standards pour le personnel, mais son efficacité reste incertaine.
- Une nouvelle ligne ferroviaire reliera Prague, Berlin et Copenhague à partir de 2026. À partir du 1er mai 2026, une liaison ferroviaire directe Prague–Copenhague via Berlin sera lancée par DB, DSB et ČD, avec des trains ComfortJet modernes et un temps de trajet de 11 heures. Ce projet, soutenu par l’UE dans le cadre de sa stratégie de renouveau ferroviaire transfrontalier, illustre la volonté d’offrir des alternatives durables aux vols court-courriers malgré des obstacles structurels persistants.
- Italie : inauguration d’un système d’alerte sismique pour stopper les trains automatiquement. L’Italie a inauguré son premier système d’alerte sismique ferroviaire sur la ligne Rome-Naples, capable de détecter les secousses et d’arrêter automatiquement les trains via un réseau de capteurs reliés par fibre optique. Issu d’une collaboration avec le Japon et l’université de Naples, ce système innovant a déjà été testé avec succès et doit être étendu à d’autres lignes du pays.
- Donald Trump freine le train à grande vitesse californien en annulant 4 milliards de dollars de financement. Le projet de ligne à grande vitesse entre San Francisco et Los Angeles, lancé en 2008, accumule retards et surcoûts, avec un budget passé de 33 à 113 milliards de dollars et une mise en service repoussée à 2033 pour un tronçon initial. La révocation de 4 milliards de financement fédéral par l’administration Trump fragilise encore davantage ce chantier, dont l’avenir demeure incertain malgré des infrastructures déjà partiellement construites.
- (USA) Union Pacific et Norfolk cherchent à créer le premier chemin de fer transcontinental. Union Pacific annonce le rachat de Norfolk Southern pour 71,5 milliards de dollars, créant ainsi la première compagnie ferroviaire transcontinentale des États-Unis, avec un réseau unifié de 50.000 km de voies. Ce projet, salué pour ses promesses d’efficacité logistique, soulève cependant de fortes inquiétudes réglementaires, sociales et concurrentielles. Il intervient plus de 150 ans après Lucky Luke 😉
- 800 km/h: le projet chinois de train ultra rapide avance, mais reste confronté à des défis de taille. La Chine développe un train à lévitation magnétique (Maglev) visant une vitesse de 800 km/h, après avoir atteint 650 km/h lors d’essais récents, ce qui en ferait le train le plus rapide au monde. Malgré des avancées technologiques majeures, son déploiement à grande échelle reste confronté à d’importants défis logistiques et d’infrastructure.
- La stratégie de financement de l’Allemagne est examinée de près malgré un investissement record dans le secteur ferroviaire. En 2024, l’Allemagne consacre un budget record de 22 milliards d’euros au rail, visant à moderniser et numériser son réseau, mais les acteurs du secteur s’inquiètent du manque de planification à long terme, des réductions dans les subventions aux nouvelles constructions et des coûts élevés d’accès pour le fret.
- Le Luxembourg investira près de 5 milliards d’euros dans le ferroviaire en 15 ans. Le Luxembourg prévoit un investissement maximal de 4,77 milliards d’euros pour la gestion et la modernisation de son réseau ferroviaire entre 2026 et 2040, incluant maintenance, sécurité et recrutement de personnel supplémentaire. La gare de Bettembourg sera transformée fin 2026 avec des travaux visant à améliorer les infrastructures tout en restant opérationnelle.
Régions
- (AuRA) Stratégie ferroviaire régionale : convention de partenariat avec la Banque des territoires. La Région Auvergne-Rhône-Alpes et la Banque des territoires ont signé une convention de 440 millions d’euros pour financer 71 nouvelles rames électriques, dans le cadre d’une stratégie ferroviaire ambitieuse à horizon 2035. Un transfert de 182 rames TER à une société publique locale, soutenu par un financement de 585,8 millions, accompagne l’ouverture à la concurrence et vise à augmenter l’offre de transport régional.
- NGE et la Région Occitanie remettent le train sur les rails entre Montréjeau et Luchon. Après plus de 10 ans de fermeture, la ligne ferroviaire Montréjeau-Luchon a été entièrement réhabilitée en 10 mois par NGE, grâce à son modèle Multimétiers mobilisant 8 filiales et 200 collaborateurs. La Région Occitanie en reprend la gestion, avec 6 allers-retours quotidiens dès juin 2025, faisant de cette ligne un modèle de mobilité durable et de désenclavement régional.
- « Un train digne du XXIe siècle » : le ministre des Transports « compte se battre » pour la ligne nouvelle Paris-Normandie. Le projet de Ligne nouvelle Paris-Normandie (LNPN), estimé à plus de 10 milliards d’euros, vise à améliorer les liaisons entre Paris et la Normandie, mais reste freiné par des désaccords entre élus franciliens et normands. Le gouvernement relance le dossier avec la nomination d’un préfet coordonnateur et prévoit un tracé défini d’ici 2026, en promettant une desserte équitable incluant Cherbourg et la Manche.
- Ligne nouvelle Provence-Côte d’Azur : l’utilité publique reconnue par la justice, les opposants feront appel. Le tribunal administratif de Marseille a confirmé le 18 juillet 2025 le caractère d’utilité publique de la Ligne nouvelle Provence-Côte d’Azur, validant ainsi les expropriations nécessaires aux premières phases du projet. Cette décision rejette les recours d’associations opposées au tracé et à ses impacts.
- Le tribunal administratif valide le plan de financement de la ligne LGV Bordeaux-Toulouse. Le tribunal administratif de Toulouse a rejeté le 25 juillet les recours contre le plan de financement du Grand projet ferroviaire du Sud-Ouest (GPSO), validant ainsi le montage financier partagé entre État, collectivités locales et Union européenne. Ce projet de LGV, prévu pour 2032, réduira significativement les temps de trajet entre Toulouse, Bordeaux, Dax et Paris, malgré les contestations écologistes.
Entreprises
- (SNCF) L’ETCS – European Train Control System – au cœur des débats ! Le 14 mai 2025, SNCF Réseau a réuni 200 acteurs du secteur pour présenter les avancées de l’ETCS, composant clé de l’ERTMS, destiné à simplifier, sécuriser et optimiser l’exploitation ferroviaire transfrontalière. Présentation téléchargeable sur la page de l’article.
- La compagnie Velvet dévoile ses trains à grande vitesse qui feront concurrence à la SNCF. Velvet, nouvelle compagnie ferroviaire concurrente de la SNCF, lancera dès 2028 douze TGV Avelia Horizon conçus par Alstom pour relier Paris à Bordeaux, Nantes, et Rennes. Ces trains, plus économes et spacieux, seront fabriqués en France sur plusieurs sites, dont Belfort et La Rochelle.
- Des lasers et un « train autonome »: la SNCF révolutionne la surveillance et l’entretien de ses voies avec de nouvelles technologies (et c’est moins cher) Pour réduire les coûts et améliorer la surveillance de ses 33 000 km de caténaires, la SNCF développe Camescat, un système laser embarqué capable de mesurer l’usure à 120 km/h, et prépare un véhicule autonome MARS LGV pour remplacer les TGV de reconnaissance à vide. Ces innovations visent à renforcer la sécurité, optimiser l’usage du cuivre, diminuer l’impact environnemental et libérer du matériel pour les voyageurs.
- Ouverture à la concurrence du transport ferroviaire: « Elle arrive uniquement sur les lignes bénéficiaires de la SNCF », déplore Christophe Fanichet, directeur général de SNCF Voyageurs (vidéo sur la page).
- Exclusif. Alstom se retire d’Eole. Alstom s’est désengagé du projet de supervision automatique des trains pour le RER Eole, provoquant un report de l’extension vers Mantes-la-Jolie à fin 2029 et obligeant SNCF Réseau à adapter son système Mistral NG. Ce retrait aggrave les retards, les surcoûts (désormais 5,4 milliards €) et les difficultés techniques du projet, déjà fragilisé par des problèmes sur les rames RER NG.
- 70 % du marché ferroviaire mondial est entre les mains de 10 fabricants – voici comment ils se classent. En 2024, les ventes mondiales de matériel roulant ferroviaire ont atteint un record de 65 milliards d’euros, dominées à 70 % par dix grands fabricants, avec CRRC (Chine), Alstom (France) et Siemens (Allemagne) en tête. Malgré une demande soutenue, la rentabilité du secteur est fragilisée par l’inflation, les tensions logistiques et les contraintes financières.
- Contrat ferroviaire du siècle en Belgique: la SNCB laisse tomber Alstom et choisi l’espagnol CAF pour le renouvellement de sa flotte. La SNCB a confirmé le choix de CAF pour le renouvellement de sa flotte ferroviaire jusqu’à 600 rames d’ici 2034, écartant Alstom et Siemens au profit d’une offre jugée plus performante. Ce contrat de plusieurs milliards d’euros, incluant des trains à batteries, s’inscrit dans un plan de modernisation ambitieux malgré des tensions politiques sur ses impacts industriels en Belgique.
- L’usine ferroviaire CAF de Reichshoffen va concevoir 14 trains pour la Bourgogne-Franche-Comté. Cette commande évite la fermeture annoncée de sa chaîne de montage. Cette décision répond à l’alerte lancée fin 2024 sur le manque de commandes régionales.
- Alstom achève la production du premier chaudron du métro de la ligne 7 de Santiago du Chili. Chili toujours, ETF (VINCI Construction), mandataire, et Colas Rail ont été sélectionnés par le groupement constructeur Dragados-Besalco pour intervenir en sous-traitance sur le deuxième tronçon de la ligne ferroviaire Alameda-Melipilla.
- Alstom et SYTRAL Mobilités signent un contrat de plus de 300 millions d’euros pour moderniser la ligne D du métro de Lyon. Le projet prévoit la livraison de 26 nouvelles rames MPL25 et la modernisation du système de pilotage automatique de la ligne D du métro de Lyon, pour un total de 303 millions d’euros. Ce projet 100 % français vise à améliorer la fiabilité, la capacité et la durabilité du réseau grâce à des technologies de pointe en signalisation, cybersécurité et éco-conception. Alstom confirme d’ailleurs ses objectifs financiers pour 2025 – 2026.
Et aussi..
- Le Train Jaune : un chantier ferroviaire révolutionnaire ! Mis en service entre 1910 et 1927, le Train Jaune relie Villefranche-de-Conflent à Latour-de-Carol via des ouvrages d’art spectaculaires, dont les ponts Séjourné et Gisclard, à travers les reliefs escarpés des Pyrénées. Visionnaire, il fonctionne grâce à un troisième rail électrique alimenté par des centrales hydroélectriques locales, faisant de lui un pionnier de la traction ferroviaire verte.
- Véritable cathédrale ferroviaire, la plus belle gare de France est ornée de 775 m² de vitraux. La gare des Bénédictins à Limoges, dominée par un campanile de 67 m et 775 m² de vitraux signés Francis Chigot, est aujourd’hui saluée comme un chef-d’œuvre architectural et la plus belle gare de France 2022. Longtemps critiquée à son inauguration en 1929, elle est devenue un emblème patrimonial grâce à son esthétique avant-gardiste et sa somptuosité intérieure.
- [Carte] L’usage du train en Europe. En 2023, la part moyenne du train dans la distance parcourue par les voyageurs européens était de 8,4 %, avec de fortes disparités nationales : l’Autriche (13,6 %), les Pays-Bas (12 %) et la France (11,1 %) en tête, tandis que la Grèce reste très basse (0,5 %). Depuis la pandémie, l’usage du train a augmenté dans plusieurs pays européens, gagnant globalement près de 3 points entre 2020 et 2023.