Rail et mobilité N°106 (31 Octobre 2025)

Resserrement structurant

L’actualité ferroviaire du mois d’Octobre est marquée par trois dynamiques majeures. 

D’abord, une recentralisation stratégique s’opère dans les grandes entreprises publiques, illustrée par la renationalisation du rail britannique, et traduisant la volonté des États de reprendre la main sur la planification et la performance du réseau. La nomination de Jean Castex à la présidence de la SNCF marque un resserrement du lien entre l’État et l’opérateurs national, au moment où la modernisation du réseau et la transition écologique exigent une coordination étroite entre politique publique, financement et exécution industrielle. Ce choix traduit une volonté de pilotage stratégique plus intégré, associant priorités nationales — grands projets, compétitivité européenne, verdissement — et réalités opérationnelles du terrain. Dans le même mouvement, la question du financement durable des petites lignes reste un test crucial de cette cohérence : les investissements annoncés sont considérables, mais l’effort immédiat repose encore largement sur la SNCF, appelée à tenir le cap jusqu’à l’arrivée des ressources publiques promises à partir de 2028.

Ensuite, une accélération des investissements structurants se confirme : qu’il s’agisse des 110 milliards d’euros allemands, du projet « Alto » au Canada ou de la relance des lignes régionales en France, le rail s’impose comme pilier industriel et écologique de long terme.

Enfin, la technologisation du ferroviaire s’intensifie : trains à hydrogène, cybersécurité, maintenance prédictive et corridors internationaux interopérables redéfinissent la compétitivité mondiale du secteur. Le rail entre ainsi dans une phase de modernisation systémique, combinant souveraineté, innovation et transition écologique.

L'actu de ce numéro

Dossiers

 

L’international

  • Aux Emirats arabes unis, un projet ferroviaire porté à pleine vitesse par Keolis. Keolis accompagnera Etihad Rail pour lancer dès l’an prochain des trains de passagers entre Abou Dhabi et Dubaï, alors que le réseau ferroviaire des Émirats arabes unis était jusqu’ici dédié au fret. Ce projet inédit mobilise du matériel neuf (Caf et CRRC), un centre de maintenance moderne, et représente un défi pour redéfinir la mobilité dans un pays très dépendant de la voiture et de l’aérien.
  • Afrique / Réseau ferroviaire : seuls 12 % des voies ferrées sont électrifiées (UA). La plupart des réseaux ferroviaires africains, totalisant 84 000 km, restent fragmentés et peu électrifiés, ce que le projet Réseau ferroviaire intégré africain (AIRN) vise à corriger en créant une dorsale continentale interconnectée. Ce réseau devrait réduire les coûts de fret, favoriser la connectivité régionale et soutenir le développement économique, industriel et agricole à l’échelle africaine.
  • La RDC veut relancer son réseau ferroviaire avec une usine d’assemblage de trains. La RDC lance un appel international pour créer une usine nationale d’assemblage de trains, locomotives et wagons à Matadi ou Kalemie, dans le cadre d’un partenariat public-privé de 25 à 30 ans. Ce projet vise à moderniser le réseau ferroviaire, relancer la production locale, réduire les importations et favoriser le transfert de technologies.
  • La plupart des principaux opérateurs ferroviaires britanniques sont de nouveau entre les mains du secteur public : est-ce que cela fonctionne ? Depuis l’élection travailliste, neuf des seize principales compagnies ferroviaires britanniques ont été reprises par l’État, avec pour objectif un service plus fiable, abordable et accessible via la future Great British Railways. Bien que certaines compagnies montrent une meilleure ponctualité, les coûts publics élevés, les tarifs encore élevés et les problèmes de fiabilité indiquent que la nationalisation ne produit pas encore les résultats escomptés.
  • Ferroviaire : un nouveau corridor entre la mer du Nord et la Méditerranée. L’Union européenne a fusionné les corridors ferroviaires North Sea–Mediterranean et Rhine Alpine pour créer le North Sea Rhine Mediterranean Corridor, opérationnel depuis le 1er octobre, reliant le sud de l’Angleterre au nord de l’Italie à travers sept pays. Cette nouvelle artère vise à harmoniser la gestion ferroviaire, renforcer l’interopérabilité et améliorer la performance du fret afin de favoriser le report modal et atteindre les objectifs du réseau transeuropéen de transport (RTE-T) d’ici 2050.
  • 110 milliards d’euros pour rénover les lignes ferroviaires en Allemagne. La ligne ferroviaire Karlsruhe–Bâle fait l’objet d’un vaste chantier de modernisation, visant à passer de deux à quatre voies pour des trains à 250 km/h, intégré dans un plan national de rénovation du réseau allemand évalué à 110 milliards d’euros. Ces travaux entraînent des perturbations importantes.
  • Canada: Alto est lancé ! Le Canada relance son projet de train à grande vitesse « Alto », reliant Québec à Toronto via Ottawa et Laval, avec des trains à 300 km/h pour réduire le trajet Montréal–Toronto à 3 heures. Doté d’un budget estimé entre 60 et 90 milliards $, ce chantier national, confié au consortium Cadence (SNCF, CDPQ Infra, Keolis, etc.), doit débuter d’ici 2029 mais suscite des questions sur son tracé, son impact autochtone et sa faisabilité industrielle.
  • L’Iran se dit prêt à s’engager dans la « guerre des corridors » pour renforcer son influence stratégique, selon un conseiller du Leader. Le général Safavi décrit une « guerre des corridors » opposant l’Est et l’Ouest, une compétition géoéconomique fondée sur le contrôle des routes ferroviaires, maritimes et de transit. Il estime que la position géographique de l’Iran en fait un acteur central de cette rivalité, notamment via le développement du Sistan-et-Baloutchistan.
  • California High-Speed Rail est le premier réseau ferroviaire à grande vitesse aux États-Unis. Le California High Speed Rail, premier réseau ferroviaire à grande vitesse des États-Unis, reliera San Francisco à Los Angeles à 350 km/h, mais son coût a explosé de 30 à 120 milliards de dollars et sa mise en service a été retardée à 2031-2033. Le projet fait face à des défis majeurs — tunnels, sismicité, modernisation du réseau — et subit de fortes critiques pour ses dépassements, retards et son tronçon initial jugé peu pertinent économiquement.

Régions

Entreprises

  • Les futurs trains Eurostar pourront transporter plus de 500 passagers. Eurostar investit 1.4 milliards d’euros pour commander 50 trains Eurostar Celestia à Alstom, capables de transporter plus de 540 passagers chacun, dont les premières rames circuleront en 2031. Cet investissement vise à augmenter de 30 % la flotte, porter le trafic à 30 millions de voyageurs par an et préparer la compagnie à la concurrence croissante sur la ligne Paris-Londres. 10 des 14 sites français d’Alstom seront impliqués.
  • Alstom remporte un contrat pour 117 trains au Portugal. Alstom a remporté un contrat de 819 millions d’euros pour fournir 117 rames automotrices aux Chemins de fer portugais (CP), la plus grande commande de l’histoire de l’entreprise publique.
    Le constructeur livrera des trains urbains et régionaux fabriqués au Portugal, s’engageant à ouvrir une usine à Matosinhos et à créer environ 300 emplois locaux.
  • Alstom, géant français des trains, débauche son nouveau patron chez Ariane. Martin Sion, actuel président exécutif d’ArianeGroup, quittera ses fonctions en mars 2026 pour devenir directeur général d’Alstom à partir du 1er avril 2026, succédant à Henri Poupart-Lafarge. Ce dernier, à la tête du constructeur ferroviaire depuis 2016, avait annoncé qu’il ne briguerait pas de nouveau mandat à l’issue de celui en cours.
  • Alstom reçoit un Brunel Award pour la modernisation des trains en Espagne. Alstom a reçu le Brunel Award de l’UIC et du Watford Group pour la modernisation des 22 trains de la série 112 de FGC en Espagne, un projet lancé en 2021 visant à prolonger leur durée de vie de 15 ans. Les rames rénovées offrent un confort amélioré, des équipements modernes et une conception durable saluée au niveau international.
  • Siemens remporte le contrat de fourniture des nouvelles rames du métro automatique lillois. La métropole de Lille investit 445 millions d’euros auprès de Siemens Mobility pour acquérir 57 nouvelles rames destinées à la ligne 2 du métro automatique Val, en service depuis 1989. Les trains, plus capacitaires et produits en Europe, seront livrés à partir de 2028, avec pièces de rechange et formation du personnel incluses dans le contrat.
  • La SNCF prend sa revanche sur Transdev et remporte cinq lignes régionales dans le Sud. SNCF Voyageurs a remporté un contrat de 1,8 milliard d’euros pour exploiter cinq lignes régionales « Zou! » dans la région Sud pendant 10 ans à partir de 2029, après avoir perdu Marseille-Nice face à Transdev. Le projet prévoit une augmentation de 30 % de l’offre, l’arrivée de 25 nouvelles rames Régiolis et des investissements régionaux pour moderniser les ateliers de maintenance à Marseille et Briançon.
  • Transport ferroviaire : SNCF Voyageurs va se réorganiser pour mieux affronter la fin de son monopole. SNCF Voyageurs prévoit pour fin mars 2026 une réorganisation en deux unités commerciales, l’une dédiée au TGV européen et l’autre aux lignes concédées, pour se rapprocher des clients et mutualiser les fonctions support. Cette restructuration intervient alors que l’ouverture à la concurrence progresse, comme en Provence-Alpes-Côte d’Azur où la SNCF a remporté cinq lignes TER sur six.
  • Stadler décroche une commande pour le réseau régional Rhin-Ruhr. Stadler Rail rallongera sept trains FLIRT du S-Bahn Rhin-Ruhr de trois à cinq voitures pour répondre à la hausse du nombre de passagers, portant la capacité de 180 à 296 places assises. Ces trains desserviront les grandes villes d’Essen, Dortmund et Wuppertal.
  • Stadler conçoit deux trains à hydrogène pour les pentes de l’Etna. Stadler Rail livrera deux trains à hydrogène à l’opérateur sicilien Ferrovia Circumetnea, avec une option pour treize supplémentaires, dans le cadre d’un contrat conclu à la foire Expo Ferrovia de Milan. Les rames, assemblées à Bussnang et destinées aux voies étroites autour de l’Etna, offriront 147 places et bénéficieront de cinq ans de maintenance et de pièces de rechange.

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