Constant, pas content
C’est bien sûr au fret ferroviaire que ce titre fait allusion. Au fil des newsletters, les nouvelles vont et viennent, avec leur lot de mauvaises nouvelles – souvent climatiques – et de bonnes, et le plus souvent une dominante positive pour le ferroviaire dans son ensemble. Mais celles concernant ce mode de transport vertueux et sur lequel des engagements ont été pris semblent toujours plus inquiétantes que les autres. Initiatives et annonces ne semblent pas correspondre à une réalité sur le terrain, où le secteur du transport de marchandise ne cesse de survivre au lieu de prospérer. En dépit de ces inquiétudes et incertitudes, il est cependant toujours là au rendez-vous, avec son lot de nouveaux clients, de nouvelles liaisons et de nouvelles technologies. Souhaitons-lui que l’ingrédient qui manque aujourd’hui à son plein succès soit, enfin, rapidement au rendez-vous.
L'actu de ce numéro
Dossiers
- La chute d’Alstom. Chute boursière, puisque le constructeur n’est pas près de s’étioler. L’entreprise poursuit ses tests du futur TGV avec la SNCF, valide ses tests de trains à hydrogène au Quebec, vient de recevoir la commande de 12 trains par la nouvelle concurrente d’Eurostar, Evolyn, inaugure RAPIDX en Inde (premier train régional semi-rapide du pays) et continue de digérer l’acquisition de Bombardier et son carnet de commande parfois complexe, et pourrait voler au secours du sous-traitant Valdunes, récemment lâché par son actionnaire chinois MA Steel, aux côtés la SNCF, la région et l’Etat. Gageons qu’on entendra encore longtemps parler d’Alstom et ses 87 milliards d’euros de commandes, et plus sous l’angle du rebond !
- Le fret en souffrance, encore et toujours. Entre le démantèlement de Fret SNCF (pour sauver l’entreprise sous une nouvelle forme), l’annus horribilis dénoncée par le patron d’Open Modal Jean-Claude Brunier (grèves, multiplication par 9 du coût de l’électricité), et les 30 ans d’abandon dénoncés par Mediapart, la possible faillite de Lineas (plus gros opérateur de fret ferroviaire d’Europe) le fret est indéniablement le sujet récurrent le plus porteur d’inquiétudes et de mauvaises nouvelles du secteur, dans cette newsletter, et le sujet de sa libéralisation est au coeur de nombreux débats. Une série d’auditions (dont celle d’Elisabeth Borne) a récemment eu lieu à ce sujet à l’Assemblée Nationale. Mais des solutions innovantes se profilent et de plus en plus de clients semblent vouloir adopter un report modal vers le fret.
- RailCoop en redressement judiciaire. La coopérative a réuni 383 500 € sur les 500 000 € espérés et nécessaires pour payer les salaires et fournisseurs. Fin Septembre, il manque 100 000 € dans les caisses de celle qui veut faire rouler des trains entre Bordeaux et Lyon. Le 7 Octobre, les sociétaires votent à 88,5 % en faveur du maintien de l’activité et à 85,5 % en faveur de la poursuite des négociations avec Serena Partners. Menacée de liquidation judiciaire, elle y échappe finalement, pour être placée en redressement judiciaire le 16 Octobre, et dispose maintenant de 6 mois pour trouver les capitaux nécessaires à la poursuite de son activité.
L’international
- Maroc : un bilan de 48 millions d’usagers annoncé pour le transport ferroviaire en 2023. L’ONCF s’attend à une hausse de fréquentation de ses lignes de près de 5% en 2023, ainsi qu’une belle progression sur le fret. Les investissements qui en résulteront permettront de moderniser le matériel roulant et de développer une usine de construction locale.
- Du nouveau sur le tunnel Maroc-Espagne. Vieux de 43 ans, et quasiment enterré, ce projet a refait surface en 2022 suite à un rapprochement des deux pays. De nouvelles études géologiques et techniques ont révélé le tracé idéal entre Punta Paloma en Espagne et Ras Malabata au Maroc, sur un trajet de 28 km.
- Lyon-Turin : « Côté italien, les inquiétudes sont toujours très fortes ». Tunnel toujours, mais déjà réalisé à 20%, et dont la vitesse de creusement accélèrera fortement l’an prochain. En revanche, l’Italie et l’UE s’inquiètent toujours que le processus de décision français tarde à accoucher de propositions concrètes (ayant déjà raté un tour de financement l’an passé) et mette en péril le déroulement du projet.
- Retour du fret ferroviaire au Port de Bruxelles en 2024. La liaison, suspendue en 2021 suite à des ennuis judiciaires, avait entraîné l’arrêt de la maintenance de la voie, en vue de son démantèlement. La liaison doit reprendre le 30 Juin prochain, sur un tracé modifié.
- Arabie Saoudite : Lancement des essais techniques des trains à hydrogène. Saudi Railways table sur une mise en service de ce mode de transport durable d’ici à 2030, avec également comme objectif de disposer des technologies les plus modernes pour ses transports.
- Qu’advient-il de HS2, la coûteuse ligne ferroviaire à grande vitesse britannique ? Le premier ministre britannique Rishi Sunak vient d’annoncer l’abandon du tronçon Birmingham – Manchester de la HS2. Les deux villes majeures situées dans le Nord du pays subissaient le plus de congestion routière et l’abandon du projet suscite de vives réactions chez les maires concernés, et crée même des turbulences au sein du parti de la majorité.
- Lancement d’un nouveau train à grande vitesse en Indonésie : tout ce que vous devez savoir sur « Whoosh » Le train à grande vitesse inauguré ce mois-ci est le premier du genre. Ultra rapide (350 km/h) il divise par 4 le temps de parcours entre Jakarta et Bandung (45 min au lieu de 3h).
- Une étude montre une hausse du trafic ferroviaire entre la Corée du Nord et la Russie. L’étude de photos satellites par le Centre pour les études stratégiques et internationales (CSIS) montre un trafic supérieur à celui des années précédentes. La livraison d’armes par cette liaison est jugée probable. Mais ces échanges font aussi craindre des retombées dans le domaine des missiles à tête nucléaire.
- L’administration Biden annonce 1,4 milliard $ pour améliorer la sécurité ferroviaire. Le pays connait de nombreux dysfonctionnements et déraillements. Ce budget financera 70 projets dans 35 états. Revue de détail.
Régions
- La région AuRA annonce 5,7 milliards d’euros pour le ferroviaire. Laurent Wauquiez, président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, souhaite développer le ferroviaire d’ici 2035. En face de l’investissement promis: 130 nouvelles rames à deux étages, offrant 600 000 nouvelles places par an, propriété de la Région pour mieux en maîtriser la maintenance, plus de places à bord pour les vélos, et une expérimentation de l’hydrogène dès 2026.
- Le Grand Projet Ferroviaire du Sud-Ouest avance malgré des remarques négatives de l’autorité environnementale. Après l’obtention de financements européens au mois de Juin, les collectivités viennent de voter deux conventions de financement pour des travaux au Nord de Toulouse et au Sud de Bordeaux, pour un total dépassant 1Md €. Les remarques environnementales seront prises en compte.
Entreprises
- Evolyn, concurrent potentiel d’Eurostar, commande 12 trains à Alstom. Lancé il y a 3 ans avec un financement supérieur à 1 Md€, le projet Evolyn vise une mise en service de ses 12 à 16 trains Avelia (livrés en 2025) dans le tunnel sous la Manche en 2026, mettant fin à 30 ans de monopole d’Eurostar. Getlink, opérateur du tunnel, salue l’annonce.
- Synergy ouvre une liaison ferroviaire Barcelone-Toulouse pour faciliter le fret depuis l’Espagne. Avec une capacité de 108 EVP chargée sur trois allers-retours hebdomadaires, l’opérateur de fret proposera à ses clients une offre intermodale complète (camions pour le dernier kilomètre, service de douane intégré …) offrant efficacité et optimisation des coûts.
- L’opérateur de fret ferroviaire Lineas est au bord de la faillite. Anciennement SNCB Logistics/B-Cargo, Lineas semble faire face à de sérieux problèmes de trésorerie, et nécessite d’être renflouée de 50 M€ pour éviter le surendettement. La balle est dans le camp du gouvernement belge et de l’investisseur majoritaire Argos Wityu.
- Wagon autonome : Nevomo veut révolutionner le fret ferroviaire. Après 3 ans de développement, Nevomo a réussi ses tests de MagLev (lévitation magnétique) sur des voies ordinaires, permettant d’éviter des frottements et d’accélérer les convois de fret tout en les rendant autonomes. Plusieurs gros opérateurs suivent ce dossier de près.
- Eboulement en Savoie: Trenitalia va perdre 500.000 clients d’ici juillet 2024. Presque un an pour remettre la voie (qui n’en est pas à son premier éboulement et probablement pas à son dernier) en circulation. Les trajets entre la France et Milan seront donc interrompus pendant cette période, pénalisant particulièrement Trenitalia, concurrent très présent de la SNCF sur cette liaison à partir de Paris et Lyon. Grâce au déplacement d’un centre de maintenance en France, l’entreprise parvient à maintenir 3 A/R Lyon-Paris quotidiens. Son PDG, Roberto Rinauda, appelle par ailleurs à une baisse des péages ferroviaires. Une étude récente soutient sa cuse, indiquant que la baisse profiterait aux passagers comme aux compagnies ferroviaires.
- Metro du Caire : Egis et Setec décrochent un contrat d’étude de faisabilité pour la construction de la phase 2 – Ligne 6. L’accord, signé avec le ministère égyptien des Transports, vise à renforcer une infrastructure qui peine à faire face à une très forte demande.
- Le Royaume-Uni autorise le rachat par Hitachi de l’activité de signalisation ferroviaire de Thales. L’autorité de la concurrence britannique y aura mis le temps, mais le feu vert est donné.
- Trainline investit pour devenir le premier GDS du ferroviaire. Face à une ouverture à la concurrence et à la multiplication de lignes, les utilisateurs souhaitent l’émergence d’une plateforme unique de réservation. Trainline met les bouchées doubles pour le devenir.
- L’opérateur ferroviaire espagnol construit une centrale solaire de 20 MW dédiée à la traction des trains. 27M € seront consacrés à cette centrale distribuée en plusieurs lieux le long des voies pour l’autoconsommation de ses trains à grande vitesse et ses centres de maintenance.
Et aussi..
- Décarbonation : La filière ferroviaire montre l’exemple. Et la filière consacre un forum au sujet.
- Le Thalys, c’est fini. Ce train qui a quitté Paris pour Bruxelles était le dernier avec ce nom. Suite à la fusion avec Eurostar, tous les trains porteront désormais ce nom. Le dernier nommé Thalys a quitté Paris le 30 Septembre dernier, après 28 ans d’existence de la marque.
- À Tokyo, les bars et restaurants sous les rails fêtent leurs cent ans d’existence. Il faut les avoir vécus pour en comprendre l’ambiance. Ces restaurants, fortement liés au mode de vie des salariés nippons, fêtent aujourd’hui leur centenaire. Retour sur leur histoire.
- Du sang dans la brousse: la terrible histoire des lions mangeurs d’hommes du Tsavo. Retour historique sur les terribles conditions de création d’une ligne au Kenya sous la menace d’un couple de lions.
- Ci-dessous, les tests Nevomo en vidéo.