Le compte sera bon
A l’heure des bilans financiers de 2023, la SNCF, les CFF, l’ONCF, parmi d’autres, annoncent d’excellents résultats. Celui de Getlink, à l’avenir, devrait également briller, tant les prétendants à ses voies sous-marines se bousculent au portillon. C’est ailleurs que les perspectives sont peut-être plus délicates. Entre les financements des études d’accès au tunnel Lyon-Turin, qui passent au chausse-pied et à la dernière seconde, les régions qui s’affolent face à la hausse des péages ferroviaires, le fret qui survit toujours et encore au bord de l’asphyxie, les lignes TGV non-rentables peut-être abandonnées, il paraît évident que le nerf de la guerre sera encore au coeur de toutes les préoccupations en 2024. Alors, extasions-nous devant la technologie déployée pour réparer la voie reliant la France à l’Italie et inspirons-nous de ce rapport d’Alstom qui établit un lien entre financement ferroviaire et objectif Net Zero !
Excellente année à vous tous 🙂
L'actu de ce numéro
Dossiers
- Italie: Meloni évoque une privatisation des services postaux et ferroviaires. L’objectif de la présidente du conseil est de “réduire la présence de l’État là où elle n’est pas nécessaire” et contribuer à réduire la dette du pays (à hauteur de 20 Md€ en 3 ans) pour intéresser les investisseurs.
- Le rebond d’Alstom. Pour Les Echos, l’entreprise souffre d’une grave crise de confiance, son carnet de commandes inégalé (encore récemment accrus d’une commande de 18 rames en Allemagne, de tramways en Arabie Saoudite, de trains à hydrogène en Italie, de 16 locomotives électriques en Roumanie, et d’un important contrat de maintenance en Australie) ne résolvant pas ses problèmes de cash-flow (les retards de livraison étant un des problèmes épineux). Et Capital explique la nécessité de réorganisation. Mais HSBC voit toujours la possibilité d’éviter une augmentation de capital. Et l’entreprise, pré-sélectionnée pour un immense projet en Californie, innove pour améliorer ses moteurs et ses tests et annonce de bonnes perspectives pour un avenir très proche.
- Météo. Les caprices de la météo ne constituent plus un dossier mais un feuilleton. Ce mois ci, tunnel inondé (et services suspendus) pour Eurostar, importantes perturbations en Allemagne, déluge en Tanzanie. Voir aussi le petit dossier de l’observatoire de l’Europe: Lignes déformées et glissements de terrain : les conséquences du changement climatique sur l’industrie ferroviaire européenne.
- Déclin du fret ferroviaire : le rapport de la commission d’enquête fait 28 propositions, dont l’instauration d’une écotaxe. Après une série d’entretiens relayés dans les précédents numéros de cette newsletter, la commission a rendu son rapport, soulignant que l’ouverture à la concurrence n’est pas la cause du déclin.
L’international
- RFA : plus de 400 morts dans un accident ferroviaire en Corée du Nord. Tragédie ferroviaire – non confirmée – dans un pays où le train joue un grand rôle social. La vétusté de l’infrastructure serait en cause.
- Maroc: TGV, infrastructures, nouvelles lignes… Mohamed Abdeljalil expose le Plan ferroviaire 2040. Dans un pays qui développe fortement son réseau depuis des années, clôture une remarquable année 2023 et anticipe une belle croissance en 2024, le Ministre des Transports décrit les améliorations à attendre d’un plan long terme en matière de confort, de connexions et de nouvelles lignes. Voir également le très ambitieux : La liaison ferroviaire Maroc-Espagne avant la Coupe du Monde 2030 ? Dans ce contexte de fort investissement de l’Etat Marocain, les entreprises françaises seraient en pole position.
- Pourquoi le train Maya, méga projet ferroviaire du président mexicain, est contesté. Face aux promesses touristiques et de désenclavement d’une région isolée, le projet a connu d’importants dépassements de budget (30 Md$ au lieu des 9 Md$ prévus) et les associations de protection de l’environnement redoutent une pollution des fragiles réseaux d’eau douce souterrains.
- De nouvelles compagnies ferroviaires pourraient bientôt rallier Londres à travers le tunnel sous la Manche. C’est au tour de la Renfe et de Deutsche Bahn de manifester leur intérêt pour des liaisons entre le continent et la Grande Bretagne.
Régions
- TGV : Paris – La Rochelle… Pourquoi certaines lignes SNCF pourraient être menacées. La SNCF, dans sa recherche de rentabilité, pourrait être à supprimer des dessertes ou des lignes entières pas assez fréquentées et déficitaires. C’est contraire au principe selon lequel les lignes profitables compensent les autres, mais l’ouverture à la concurrence et le financement de la maintenance du réseau rebattent les cartes. Voir aussi: A nous de vous faire payer le train (moins cher et bien plus subventionné que chez nos voisins européens).
- Opposition à l’A69 : l’alternative ferroviaire à 100 millions d’euros. Les opposants à l’A69 contestent le chiffrage par la Dreal (1 Md€) de l’alternative ferroviaire. Une commission d’enquête permettra de répondre aux questions.
- Grand-Est: un milliard d’euros sur dix ans pour les matériels roulants. La Région et SNCF Voyageurs ont signé un contrat TER 2024-2033 mettant l’accent sur la qualité de service, l’augmentation de l’offre et l’ouverture à la concurrence. Au programme, achat de matériel neuf, modernisation de l’existant, et système de pénalités incitatives pour encourager la ponctualité.
- Lyon-Turin: L’offre de Laurent Wauquiez à l’Etat pour “sauver” la liaison ferroviaire. L’histoire de répète: les subventions européennes sont là, mais les financements français permettant de les débloquer n’arrivent pas. Pour débloquer la situation, Laurent Wauquiez remet 20 M€ sur la table, en échange d’un plus grand investissement de l’Etat dans les mobilités du quotidien. Résultat des courses : Lyon-Turin : 220 millions d’euros pour les études du tracé français. Sans rapport : notons aussi l’arrivée d’un nouveau tunnelier sur le chantier.
- Huit régions contestent la hausse des péages ferroviaires et attaquent SNCF Réseau. Rien que pour la Bretagne, cette hausse atteint 3,7M€, et 11M€ en Centre-Val-de-Loire, par exemple. Après des années de hausses inférieures à l’inflation, la SNCF – qui se voit obligée d’assumer seule les coûts d’entretien du réseau – demande 8%. Hausse jugée acceptable par le Conseil d’Etat, qui déboute les régions contestataires.
Entreprises
- La SNCF victime de son succès et de la pénurie de trains. Après une belle année 2022, 2023 s’est révélée exceptionnelle, la compagnie ferroviaire battant des records de fréquentation et réalisant un beau chiffre d’affaires. Pour son PDG, nous vivons “un âge d’or du train”. Mais l’absence de trains neufs (les 115 TGV-M d’Alstom actuellement en retard) lui font faire des pirouettes pour tenter de servir la demande malgré une pénurie de rames.
- Rail Vision obtient la certification de l’UE pour son système ferroviaire. Le spécialiste israélien de la sécurité ferroviaire, expert en intelligence artificielle, vient d’obtenir une certification sur plusieurs normes importantes de l’UE, lui ouvrant grand les portes d’un marché en forte croissance.
- Ermewa, 17.3 Md€ pour développer le fret ferroviaire espagnol. L’UE a confié 70 Md€ au gouvernement espagnol pour réduire l’empreinte carbone de ses transports, dans le cadre du programme European NextGeneration EU. 17.3 ont été octroyés à Ermewa pour renforcer et développer le fret. L’entreprise vient d’acheter 200 wagons dédiés au transport de l’acier et de camions.
- Eiffage à pleine vitesse sur le grand projet ferroviaire Rail Baltica. L’important projet ferroviaire de 850km connectera les pays baltes à l’Union Européenne et la filiale de génie civil d’Eiffage en réalisera en groupement le tronçon de lettonie, long de 230 km. Le contrat, qui comprend notamment 175 ouvrages d’art et 11 passages à faune, est estimé à 3,7 milliards d’euros.
Et aussi..
- La montée en gamme des trains de nuit. Le vent populaire en poupe, les trains de nuit refont surface un peu partout en Europe, mais le nouvelle clientèle s’attend à plus de confort. Et certains pays comme certains entrepreneurs croient ce confort conciliable avec la rentabilité.
- Une étude d’Alstom démontre que le financement des infrastructures ferroviaires dans les pays à faibles revenus et à revenus moyens inférieurs permettra d’atteindre les objectifs du “Net Zero” dans le monde entier. Etude téléchargeable ici.
- Bruges, Prague, Bratislava : une nouvelle ligne ferroviaire épique pourrait relier les grandes villes européennes en 2024. De la Belgique à la Slovaquie en 19 heures via une cinquantaine de villes (souvent touristiques) dès la fin de l’année, si les autorisations sont obtenues.
- Interférométrie, véhicules téléguidés : le chantier hors norme de la ligne de train France-Italie. La réouverture de la ligne principale entre la France et l’Italie, suite à l’éboulement de la fin d’été dernier, dépend de l’état d’une galerie de 300 datant de 1871. Dans ce chantier sans précédent, revue de détail des techniques mises en œuvre pour évaluer et restaurer.