Rail et mobilité N°91 (31 Juillet 2024)

Inqualifiable

Éditée par une entreprise spécialisée dans l’ingénierie ferroviaire, cette newsletter délaisse habituellement les sujets sociétaux pour se consacrer aux projets d’infrastructure, aux évolutions de la technologie et du matériel, et au développement du rail sur le territoire et dans le monde. Mais comment ne pas commenter les actes de pure malveillance qui ont visé notre réseau national ces derniers jours ? Quelles que soient nos opinions, légitimes ou pas, sur les JO, quelles que soient nos opinions, légitimes ou pas, sur l’action du gouvernement, quelles que soient nos opinions, légitimes ou pas, sur la SNCF, ou tout autre sujet d’actualité, meurtrir ainsi son propre pays, alors que la guerre frappe à nouveau aux portes de nos sociétés, alors que des millions de français ne demandent rien de plus que de profiter de congés réparateurs, alors que l’avenir se construit partout grâce au rail, est inqualifiable.

L'actu de ce numéro

Dossiers

  • Succès commerciaux d’Alstom. En partenariat avec le groupe d’ingénierie DT Infrastructure, Alstom a signé un contrat d’un milliard d’euros pour moderniser le réseau ferroviaire de Perth, quatrième ville d’Australie. Le constructeur signe un autre contrat de 2,8 milliards d’euros avec le métro de Hambourg, et un troisième de 4 milliards d’euros pour livrer 90 trains et leur maintenance pour le réseau périurbain de Cologne. C’est la plus grosse commande en provenance d’Allemagne de son histoire. Les problèmes d’Alstom étaient plus liés à la gestion du cash flow qu’à la prise de commandes mais ces trois contrats sont de nouveaux signaux positifs concernant la situation du numéro 2 mondial relativement à son objectif de ratio commandes sur facturations supérieur à 1 sur douze mois.
  • Des actes “jamais vus auparavant”: pourquoi l’attaque massive dont a été victime la SNCF est inédite. Ces actes de sabotage d’une ampleur exceptionnelle, visaient simultanément trois axes majeurs du réseau ferroviaire rendant la gestion des incidents extrêmement difficile et entraînant des perturbations significatives dans les opérations ferroviaires au moment des départs en congés des français et du début des JO. Ils font suite à une hausse significative des actes de malveillance à l’encontre de la SNCF en 2023. Et, comme il est illusoire de vouloir sécuriser l’intégralité d’un réseau, le rail fait partie des cibles prioritaires quand on veut déstabiliser un pays.
  • 51 euros par habitant: la France est-elle le pays d’Europe où on investit le moins dans le rail? Oui, si l’on en croit le dernier classement européen des investissements dans les infrastructures ferroviaires par habitant, réalisé par l’association Alliance pour le rail. Mais celui-ci ne tient pas compte des principales sources de financement de SNCF Réseau, propres au modèle français. Reste un constat global de vieillissement du réseau et d’absence de matérialisation du grand plan de 100 Md€ d’Elisabeth Borne.

L’international

Régions

  • Ferroviaire – SGPSO : Xavier Fortinon et Alain Rousset au pilotage. Alain Rousset, président de la Région Nouvelle-Aquitaine, a été élu président de la SGPSO lors du conseil de surveillance du 17 juin, succédant à Carole Delga de la Région Occitanie, selon un principe de rotation entre les deux régions. Xavier Fortinon et Jean-Luc Moudenc sont élus vice-présidents pour les deux prochaines années.
  • La société ferroviaire de Nouvelle-Aquitaine et Occitanie emprunte 1,1 milliard d’euros pour acheter des TER. La réglementation européenne impose l’ouverture à la concurrence sur les lignes régionales. Et la SPL créée l’an dernier par les deux régions vient de boucler une levée d’emprunt de 1,13 Md€, dont 400 M€ auprès de la Banque Européenne d’Investissement, pour racheter leurs rames TER à la SNCF, assurer leur entretien et les mettre à disposition des futurs opérateurs.
  • 200 millions d’euros pour la réouverture de la ligne ferroviaire Nancy-Contrexéville. La société concessionnaire Nova 14 et la Région Grand Est ont signé un contrat de concession pour la réouverture de la ligne Nancy-Contrexéville, avec un financement de près de 200 M€, dont 50 % assuré par la Banque européenne d’Investissement. Les travaux de rénovation s’élèvent à 150 M€, et la ligne devrait rouvrir en décembre 2027, desservant 12 communes avec 30 A/R par jour et créant 65 emplois. D’autres lignes suivront.
  • En avant pour 15 ans de chantier pour permettre le transport ferroviaire dans le grand bassin de vie d’Avignon. Le projet de transport en commun du grand bassin de vie d’Avignon a reçu le label “Service express régional métropolitain” (SERM), visant à développer le réseau ferroviaire pour les 715 000 habitants de la région. Ce projet prévoit l’amélioration des infrastructures existantes d’ici 2027 et l’ajout de nouveaux matériels roulants et modernisations d’ici 2032, avec une mise en œuvre finale entre 2032 et 2040, afin d’offrir des liaisons transversales et une tarification unique pour faciliter les déplacements.
  • SNCF Réseau au cœur du chantier de l’autoroute ferroviaire à Cherbourg-en-Cotentin. Les travaux de l’autoroute ferroviaire Cherbourg-Bayonne, débutés fin 2023, visent à transporter annuellement 30 000 remorques par train entre le Cotentin et le Pays Basque. Ce projet, impliquant SNCF Réseau, Ports de Normandie et Brittany Ferries, sera opérationnel fin 2024, permettant des économies de 20 000 tonnes de CO2 par an.

Entreprises

  • Recentrage européen pour le constructeur ferroviaire espagnol CAF. En croissance de 21 % en 2023, CAF vise un CA de 4,8 Md€ d’ici 2026, mettant l’accent sur l’Europe malgré les défis géopolitiques et macroéconomiques. Lors de l’AG de juin, CAF a souligné ses récents contrats européens, tels que la production de 121 tramways pour Rome et d’autres commandes pour l’Angleterre, l’Espagne et la France.

  • La Renfe compte porter plainte à Bruxelles contre Ouigo pour concurrence déloyale. Oscar Puente, le  ministre des Transports espagnol, dénonce depuis plusieurs mois les prix pratiqués par la filiale de la SNCF qui vendrait à perte pour accroître ses parts de marché. De son côté, la Renfe a transporté 620 000 passagers en 2023 sur les lignes Barcelone-Lyon et Madrid-Marseille, à des tarifs jugés “beaucoup plus attractifs” que ceux des TGV. Affaire à suivre.
  • Portes de trains et impression 3D : immersion chez un géant tourangeau du ferroviaire. Wabtec emploie en France 800 personnes sur deux sites et produisant des portes et équipements techniques pour divers trains européens. Le site de St-Pierre-des-Corps, en expansion, se concentre sur l’innovation et vise un bilan carbone neutre d’ici 2030, avec des investissements de 20 millions d’euros pour moderniser et augmenter la production.
  • Siemens construit une nouvelle usine ferroviaire en Caroline du Nord. Le projet créera plus de 500 emplois d’ici 2028 pour répondre à une commande d’Amtrak. L’usine, financée à hauteur de 220 millions de dollars, fabriquera et entretiendra des wagons et locomotives pour trains de passagers, complémentant l’usine de Sacramento.
  • Fret ferroviaire : Nexrail dévoile une locomotive hybride. L’hybridation des locomotives avance malgré les coûts élevés, comme illustré par la présentation de la locomotive hybride DE 18 Stage V Smart de Nexrail. Cette locomotive, commandée à trente exemplaires et livrable fin 2024, réduit les émissions polluantes de 98% et est destinée aux marchés français, belges, luxembourgeois, et allemands.
  • Ferroviaire : Railpool décroche un financement pour soutenir sa croissance. Le loueur de locomotives Railpool a obtenu une facilité CAPEX de 400 M€ et un crédit renouvelable de 60 M€ pour financer son expansion en Europe. Railpool offre une solution de leasing complète incluant maintenance, pièces détachées et service d’urgence, et a signé un contrat pour cinq locomotives hybrides Modula avec RPB, visant à réduire les émissions de CO2. Présente en France depuis 2023, elle opère dans 18 pays.
  • Altametris déploie les premiers drones automatiques en milieu ferroviaire. Altametris, filiale de SNCF Réseau, a intégré des drones automatiques pour la surveillance et l’inspection du réseau ferroviaire, améliorant ainsi la sécurité, la rapidité et la qualité des opérations. Cette technologie, autorisée par la Direction de la Sécurité de l’Aviation Civile, permet de surveiller efficacement des zones difficiles d’accès et de détecter la faune sauvage, avec des projets d’extension en zone urbaine à l’avenir. Un pas vers la fin des sabotages ?

Et aussi..

  • Mieux comprendre les droits des passagers ferroviaires dans l’Union européenne. Le Centre européen des consommateurs (CEC) a lancé un outil en ligne gratuit pour aider les utilisateurs du réseau ferroviaire de l’UE à comprendre leurs droits, suite aux changements de réglementation en juin 2023. Cet outil permet d’obtenir facilement des informations et conseils pratiques sur les indemnités, remboursements, et assistances disponibles pour les voyages au sein de l’UE.
  • Pourquoi le train est souvent plus cher que l’avion ? Selon Greenpeace, le coût des billets de train en France est en moyenne 2,6 fois plus cher que ceux de l’avion, ce qui pousse de nombreux Français à privilégier l’aérien. Les raisons incluent des péages ferroviaires (40% du prix d’un billet de TGV), l’absence de taxes sur le kérosène et la TVA pour les vols internationaux, ainsi que l’essor des compagnies low cost, qui ont assuré 43 % des vols au départ de la France en 2023. L’article ne mentionne toutefois pas que les billets de trains (surtout des TER) sont tout de même subventionnés par l’Etat.
  • Wagon-bar : les grandes lignes de la restauration ferroviaire. Arthur Mettetal, historien du patrimoine ferroviaire, présente l’exposition “Wagon-bar” aux Rencontres d’Arles, retraçant l’évolution de la restauration ferroviaire avec des images d’archives, complétée par un livre éponyme. Cette exposition, basée sur les archives de la CIWL, met en lumière la dimension gastronomique et publicitaire des services à bord des trains, documentant ainsi une forme d’anthropologie et l’évolution du design et de la culture ferroviaires.