Rail et mobilité N°95 (29 Novembre 2024)

Restructuration

Notre secteur traverse une période de profondes mutations, reflétées notamment par la transformation du fret. La fission de Fret SNCF en 2025, sous l’impulsion de l’Union européenne, illustre la complexité de concilier compétitivité et aménagement du territoire, tout en répondant aux impératifs écologiques. Ce défi s’inscrit dans un contexte de concurrence accrue, de financement fragile pour des projets d’envergure comme le plan ferroviaire à 100 milliards d’euros, et d’une quête d’innovation, avec des partenariats technologiques ambitieux comme celui du CNES et de la SNCF. Tandis que des pays comme le Maroc – sujet de toutes les convoitises – investissent massivement dans le rail pour renforcer leur position régionale, la France et l’Europe cherchent à concilier ouverture à la concurrence, recherche de solutions intermodales durables, et maintien des lignes non rentables. Entre restructuration et modernisation, l’avenir du rail sera façonné par des choix décisifs sur le fret, les investissements et la coopération internationale.

L'actu de ce numéro

Dossiers

  • Effondrement du pont de Mirepoix : 35 000 ponts français présentent des risques, selon un rapport sénatorial. Un rapport sénatorial indique que 35 000 des 200 000 à 250 000 ponts en France présentent des risques pour la sécurité, souvent dus à leur vétusté. Le cas du pont centenaire de Crépy-en-Valois illustre ces défis, avec des travaux de reconstruction estimés à 15 millions d’euros, impliquant des contraintes techniques telles que l’interruption du trafic ferroviaire.
  • Fret SNCF va disparaître au 1er janvier 2025 et sera remplacée par deux sociétés distinctes. Fret SNCF disparaîtra le 1er janvier 2025 dans le cadre d’un plan négocié avec l’UE, cédant sa place à Hexafret et Technis, tout en supprimant 500 emplois sans licenciements. Cette restructuration vise à éviter une liquidation après des accusations d’aides illégales, malgré l’abandon de 20 % du chiffre d’affaires à la concurrence.
  • Quand l’espace rencontre les rails : une collaboration CNES-SNCF pour un ferroviaire durable et innovant. Le CNES et la SNCF ont signé un accord pour intégrer les technologies spatiales dans le secteur ferroviaire, avec des axes clés comme l’observation de la Terre, la géolocalisation hybride et la connectivité satellitaire. Ces innovations visent à améliorer la surveillance des infrastructures, gérer les risques climatiques, et optimiser le trafic ferroviaire, y compris en zones isolées. Ce partenariat ambitionne de rendre le rail plus sûr, durable et performant grâce à des solutions avancées comme l’IA et la cybersécurité.
  • « La réforme ferroviaire ne permettra pas de résoudre la question économique » Jean-Marc Janaillac, PDG de Transdev, critique le projet de réforme ferroviaire pour son manque de focus sur la concurrence et la dette, bien qu’il salue la création d’un gestionnaire d’infrastructure unifié. Il plaide pour une ouverture rapide des liaisons régionales à la concurrence afin de stimuler l’efficacité et réduire les coûts, tout en appelant à une réforme sociale et organisationnelle du secteur.
  • Rail: le ministre des Transports valide finalement le plan à 100 milliards d’euros mais l’estime « fragile ». François Durovray, ministre délégué aux Transports, défend les cars-express comme solution rapide et économique pour la mobilité quotidienne, tout en maintenant que le plan ferroviaire à 100 milliards d’euros reste une priorité fragile faute de financement pérenne. Il propose d’exploiter les revenus des concessions autoroutières dès 2030 pour soutenir les infrastructures ferroviaires.

L’international

  • Au Royaume-Uni, la re-nationalisation du rail a été validée par le Parlement. Le Royaume-Uni adopte une loi pour re-nationaliser progressivement les compagnies ferroviaires privées d’ici 2027, en regroupant leur gestion sous « Great British Railways ». Soutenue par une majorité de Britanniques, cette réforme vise à améliorer le service après des années de critiques sur les coûts élevés et les retards.
  • Le Maroc et le Japon renforcent leur coopération en matière d’investissement. Le Maroc et le Japon ont signé un mémorandum pour renforcer leur coopération économique et promouvoir les investissements bilatéraux, dans le cadre d’un roadshow visant aussi à attirer des investissements en Corée du Sud dans des secteurs clés comme l’automobile, l’aéronautique et les énergies renouvelables.
  • Maghreb: la Chine va investir dans l’extension du réseau ferroviaire d’un pays. Le Maroc étend son réseau de trains à grande vitesse avec la nouvelle LGV Kénitra-Marrakech, renforçant sa stratégie de développement des transports et son positionnement régional. Ce méga-projet, dominé par des entreprises chinoises mais incluant aussi des acteurs marocains et internationaux, est divisé en dix sections stratégiques pour optimiser sa réalisation.
  • Maroc ferroviaire : une usine de rames bientôt en construction. Le Maroc prévoit la construction d’une usine de rames de train dans le cadre d’un plan ferroviaire ambitieux, incluant 1 300 km de nouvelles lignes TGV et l’extension du réseau pour connecter 87 % de la population d’ici 2040. Ce projet vise à répondre aux besoins locaux, renforcer les exportations vers l’Afrique et moderniser le transport ferroviaire national.
  • Un train à hydrogène chinois pour le Chili. Le fabricant CRRC Qishuyan et l’opérateur chilien FCAB testent une locomotive à hydrogène vert de 1 MW sur le réseau Antofagasta-Bolivie, visant à tester et promouvoir une technologie ferroviaire allégée et durable.
  • Projet de tunnel sous-marin entre Tarifa et Tanger : Madrid ratifie la location de quatre sismomètres. L’Espagne relance le projet de tunnel sous-marin de 38,5 km entre Tarifa et Tanger, visant à connecter l’Europe et l’Afrique via des voies ferroviaires. Un contrat de 486 420 euros a été attribué pour louer des sismomètres sous-marins, afin d’étudier les contraintes géologiques du détroit de Gibraltar.
  • Les embouteillages en Afrique coûtent 314 milliards $ par an à l’économie (Alstom) D’ici 2050, la population urbaine en Afrique devrait doubler, aggravant les problèmes de congestion routière et les pertes économiques associées. Alstom propose que le rail urbain passe à 20% du transport d’ici 2050 pour réduire la congestion, les émissions de CO2 et les coûts économiques, avec des investissements nécessaires entre 65 et 105 milliards USD par an pour moderniser les infrastructures.
  • Prêt de 91 millions $ d’Arab et Abu Dhabi Commercial Bank pour des projets ferroviaires égyptiens. L’Egypte obtient un financement de 91 millions USD pour accélérer les grands projets de modernisation de son système ferroviaire, visant à améliorer la sécurité et à adapter les infrastructures aux standards modernes. Les fonds soutiendront notamment les réseaux de TGV, tramway et monorail, tout en favorisant la production locale de matériel ferroviaire.
  • De nouvelles liaisons ferroviaires en Europe. Rail Cargo Group, Lineas, et Helrom ont inauguré de nouvelles lignes ferroviaires reliant plusieurs pays européens, visant à réduire les émissions de CO₂ et à désengorger les routes grâce au transport intermodal. Ces initiatives renforcent les connexions durables entre des hubs clés comme Duisbourg-Anvers, Zeebrugge-Stuttgart, Luxembourg-Roumanie, et le col du Brenner.

Régions

Entreprises

  •  Le secteur ferroviaire se mobilise autour du FMRCS, la radiocommunication du futur. L’UIC a organisé une conférence à Paris sur le Future Railway Mobile Communication System (FRMCS), destiné à remplacer le GSM-R d’ici 2035 grâce à la 5G. Cofinancé par des programmes européens, ce projet de 50 M€ vise à améliorer l’interopérabilité, la performance et la robustesse des communications ferroviaires, avec des tests prévus sur plusieurs sites pilotes en Europe.
  • Le monde ferroviaire français en pleine mutation face à l’avènement de la concurrence. Le 14 décembre, environ 1 200 cheminots SNCF seront transférés dans des filiales créées pour gérer les TER dans le cadre de l’ouverture à la concurrence, suscitant des inquiétudes syndicales sur les conditions de travail et les droits sociaux. Tandis que la concurrence promet une baisse des prix et une amélioration de l’offre, des craintes émergent sur la pérennité des lignes non rentables au nom de l’aménagement du territoire.
  • Les CFF s’attendent à réaliser un bénéfice cette année, comme en 2023. Les CFF prévoient un bénéfice pour 2024 similaire aux 267 millions de francs de 2023, porté par une forte demande en trafic voyageurs. Cependant, un bénéfice annuel de 500 millions de francs serait nécessaire pour réduire une dette de 11,6 milliards, amplifiée par la pandémie, et soutenir les investissements.
  • Ferroviaire : après la France, l’Espagnol Renfe va rouler en Italie et annonce Toulouse en 2025. Renfe, après avoir lancé des lignes en France, s’implante en Italie en acquérant 33 % de l’entreprise Arenaways pour exploiter des lignes régionales dans le Piémont dès 2025. En France, elle prévoit également de lancer une ligne Toulouse dès l’année prochaine.
  • Alstom remporte un contrat majeur pour la fourniture de locomotives TGV au Maroc. Alstom fournira 18 trains à grande vitesse « Avelia Horizon » au Maroc pour un contrat de 750 millions à 1 milliard d’euros, incluant maintenance et support, dans le cadre du projet de ligne TGV Kénitra-Marrakech. Malgré des retards actuels chez Alstom, le groupe a remporté l’appel d’offres grâce à sa compétitivité, et un consortium franco-marocain assurera l’assistance au projet. D’autres entreprises exclues peuvent s’opposer à ce choix.

Et aussi..

  • Pénurie de compétences dans le secteur ferroviaire : il faudrait créer un « Erasmus ferroviaire »…  Une conférence tenue à Bruxelles et dédiée à cette pénurie recommande de créer un « Erasmus ferroviaire » pour pallier ce manque de main-d’œuvre dans le secteur, en formant de nouveaux programmes d’enseignement et en facilitant l’apprentissage sur le terrain. Le projet vise à former une main-d’œuvre compétente face aux défis démographiques et numériques du secteur ferroviaire.
  • Ce train sino-japonais est le plus rapide de l’histoire. Développé par le Japon et la Chine, ce Maglev, train à lévitation magnétique, détient le record mondial de vitesse ferroviaire (603 km/h) grâce à des avancées technologiques majeures, tandis que des projets comme l’hyperloop promettent de révolutionner encore davantage le transport rapide et écologique.
  • Pourquoi nos trains ont-ils perdu leurs luxueux wagons-restaurants si réputés il y a un siècle ? La restauration ferroviaire, autrefois symbole de luxe avec les voitures-restaurants et salons de la CIWL au XIXe et XXe siècles, a progressivement décliné face à la démocratisation des voyages et l’arrivée des TGV. Aujourd’hui, les expériences gastronomiques survivent surtout dans les trains classiques ou les croisières ferroviaires de luxe, tandis que les « sandwichs triangles » dominent les trajets rapides.