A deux vitesses
Le ferroviaire avance à plusieurs vitesses. Tandis que certains pays accélèrent, d’autres peinent à maintenir le cap. En Europe, la grande vitesse progresse (+35 % en dix ans), mais au prix d’un recul du réseau classique, notamment en France. En parallèle, la concurrence sur le TGV soulève une question : comment assurer un maillage territorial équilibré quand seuls les axes rentables attirent les opérateurs ?
À l’international, l’Asie poursuit sa transformation avec des projets ambitieux, portés par la Chine, et des stratégies de modernisation se poursuivent au Maroc et en Algérie. Le Canada, lui, tente d’opérer un grand bond avec le projet Alto, un TGV Québec-Toronto qui redessinerait la mobilité nord-américaine. Mais si l’annonce est spectaculaire, la concrétisation reste semée d’embûches.
Enfin, les industriels du secteur se structurent : Alstom, Colas, Siemens – parmi d’autres – signent des contrats stratégiques, tandis que Talgo réaffirme son ancrage espagnol. Pourtant, même les succès doivent composer avec la complexité du ferroviaire : en témoignent les difficultés du fret, et la fragilité des infrastructures allemandes, en plein débat électoral.
Entre promesses et obstacles, le rail reste un pilier de la mobilité durable. Mais pour qu’il soit une vraie alternative, il faudra plus qu’un élan initial : un cadre solide, des investissements cohérents et une régulation commune qui réconcilie rentabilité et service public.
L'actu de ce numéro
Dossiers
- Europe des trains: les réseaux ont rétréci en 10 ans, notamment en France, mais la grande vitesse progresse. Le réseau ferroviaire européen a diminué de 1,3 % en dix ans, avec une forte réduction en France (-9,6 %) au profit des lignes à grande vitesse, qui ont progressé de 35 %. L’Espagne et la France concentrent près des trois quarts du réseau à grande vitesse de l’UE, tandis que certains pays de l’Est ont étendu leur réseau classique.
- A travers l’Asie, l’essor de liaisons ferroviaires soutenues par la Chine. La Chine finance plusieurs projets ferroviaires en Asie dans le cadre des « Nouvelles routes de la Soie », dont une nouvelle ligne reliant le Vietnam à son territoire. Tandis que le Laos et la Thaïlande poursuivent leurs chantiers, l’Indonésie a inauguré sa première ligne à grande vitesse, et un projet stratégique reliant la Chine à l’Asie centrale est en construction, mais certains projets au Pakistan et en Birmanie restent bloqués.
- TGV: comment inciter les concurrents de la SNCF à opérer sur les lignes non-rentables? L’ouverture à la concurrence du TGV pose la question de l’aménagement du territoire, car les nouveaux entrants (Trenitalia, Renfe, Proxima) privilégient les lignes rentables, menaçant le modèle de péréquation de la SNCF qui équilibre lignes rentables et déficitaires. Pour y remédier, plusieurs pistes sont envisagées : modulation des péages ferroviaires, subventions publiques, ou un encadrement inspiré du modèle espagnol, qui oblige les opérateurs à desservir aussi des lignes moins rentables en échange d’un accès sécurisé aux meilleurs sillons.
L’international
- Vers une relance d’un projet ferroviaire pour relier le Québec à l’Ouest canadien? Malgré des défis techniques et environnementaux, les promoteurs d’un projet ferroviaire reliant l’Ouest canadien à Baie-Comeau cherchent à le relancer, notamment en raison des tensions commerciales avec les États-Unis. Soutenu par une étude financée par des fonds publics, le projet doit encore prouver sa rentabilité et surmonter des obstacles réglementaires et environnementaux.
- Train à grande vitesse (TGV) au Canada : une révolution pour le transport ferroviaire entre Québec et Toronto. Le projet de TGV « Alto », annoncé par le gouvernement canadien, vise à relier Québec à Toronto via Montréal sur 1 000 km, accélérant la décarbonation des transports et la compétitivité économique. Avec un trajet Montréal-Toronto en moins de trois heures sur une voie électrifiée, il ambitionne d’optimiser la logistique ferroviaire et de renforcer l’attractivité des régions métropolitaines. Voir aussi : Le TGV générerait jusqu’à 27 milliards en retombées sur 60 ans, selon une étude.
- Le Maroc en marche vers une révolution ferroviaire pour 2030. Le Maroc mise sur un vaste plan ferroviaire avec 1 500 km de lignes à grande vitesse et 168 nouveaux trains pour moderniser son réseau et asseoir son leadership africain. En prévision de la Coupe du monde 2030, ce projet vise une mobilité durable, une meilleure connectivité économique et une couverture accrue de la population. Voir aussi : La BERD alloue 38 millions d’euros pour stimuler la transition ferroviaire au Maroc et L’Espagne accorde un prêt de 754 millions d’euros au Maroc pour l’acquisition de 40 trains.
- Maghreb: 380 milliards bientôt investis dans le domaine ferroviaire. L’Algérie investira 380 milliards de dinars dans la modernisation ferroviaire d’ici 2035, incluant le renouvellement du matériel roulant, la rénovation des gares et la transformation digitale du service. Ce projet vise aussi à développer une industrie ferroviaire locale pour renforcer la compétitivité économique et industrielle. Voir aussi : L’Algérie va déployer un train géant de 2,2 km dans le désert et Des entreprises américaines intéressées par l’investissement dans le réseau ferroviaire algérien.
- Elections en Allemagne: l’effondrement des infrastructures au coeur du scrutin. L’état dégradé des infrastructures allemandes, marqué par des ponts en ruine et un réseau ferroviaire en crise, domine les élections anticipées. Entre nécessité d’investissements massifs et rigueur budgétaire, les partis s’opposent sur les solutions, tandis que la CDU propose de démanteler la Deutsche Bahn pour réformer le rail.
- « Le rail ne peut pas rivaliser » : pourquoi le ferroviaire européen patine. Le lancement du train de nuit Bruxelles-Venise par European Sleeper met en lumière les obstacles du ferroviaire en Europe : coûts élevés, lourdeurs administratives et fragmentation des infrastructures. Malgré l’intérêt écologique croissant, le rail peine à rivaliser avec l’aviation, favorisée par une fiscalité avantageuse. L’UE investit pour unifier le réseau, mais les résistances nationales freinent ces efforts.
- Tchécoslovaquie : le nouveau centre ferroviaire de Prague, d’une valeur de 7,4 milliards d’euros, et le déploiement de l’ETCS en janvier sont un succès. La rénovation de la gare de Prague, d’une valeur de 7,4 milliards d’euros, comprendra de nouveaux tunnels et gares souterraines pour améliorer la capacité du réseau. Le déploiement de l’ETCS, lancé en janvier de manière beaucoup plus économique qu’en France ou en Allemagne, a atteint un taux de fiabilité de 99%, renforçant la sécurité du transport ferroviaire en République tchèque.
- L’investissement ferroviaire est une priorité dans le cœur économique de l’Angleterre. L’agence England’s Economic Heartland (EEH) plaide pour des investissements ferroviaires visant à améliorer la connectivité dans le corridor Oxford-Cambridge, essentielle à la croissance économique de la région. Le projet East West Rail et la modernisation du réseau autour d’Ely sont cruciaux pour augmenter la capacité ferroviaire et réduire le trafic routier, tout en soutenant des infrastructures complémentaires. Voir aussi : La nouvelle piste d’Heathrow relance l’expansion ferroviaire.
- Pas de prise de contrôle étrangère : Talgo revient à ses racines basques. Talgo restera sous contrôle espagnol, avec un consortium basque acquérant 29,8 % de son capital et transférant le siège de Madrid au Pays basque, renforçant ainsi l’industrie régionale. L’accord met fin aux tentatives de rachat par des investisseurs étrangers, notamment polonais, hongrois et indiens.
Régions
- La Région Sud a inauguré les premiers trains régionaux ouverts à la concurrence en France. L’offre de trains régionaux Zou ! a été lancée en région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur, avec un renforcement des lignes et une fréquence améliorée. Depuis son lancement, elle a conduit à une augmentation de 10% de la fréquentation et une ponctualité de 97%. Voir aussi : Ferroviaire : les lignes Paris-Clermont et Paris-Toulouse ouvertes à la concurrence.
- Ligne à grande vitesse : le chantier de la future liaison SNCF Roissy-Picardie a commencé. Les travaux de la liaison ferroviaire Roissy-Picardie ont débuté pour connecter Amiens à la LGV et à l’aéroport de Roissy, avec une mise en service prévue fin 2026. Ce tronçon de 6,5 km réduira le temps de trajet entre Amiens et Roissy à 57 minutes et améliorera l’accessibilité vers Strasbourg, Lyon et Marseille sans passer par Paris. La SNCF estime une fréquentation de 4 millions de voyageurs par an à l’ouverture, avec un potentiel de 7 millions d’ici 20 ans.
Entreprises
- La SNCF vise une mise en service du TGV du futur début 2026. La SNCF et Alstom prévoient une mise en service du TGV M début 2026, malgré des défis liés aux validations réglementaires encore en cours. Commandé à 115 exemplaires pour 3,5 milliards d’euros, ce nouveau train, plus capacitaire et économe en énergie, subit actuellement des essais à 320 km/h avant son homologation par l’ERA et l’EPSF.
- La Renfe a transporté plus d’un million de voyageurs depuis 2023 entre la France et l’Espagne. Depuis son arrivée sur le marché français, Renfe exploite des trains AVE reliant Lyon et Marseille à l’Espagne, avec une forte fréquentation sur les axes Lyon-Barcelone et Marseille-Madrid. La compagnie prévoit d’ouvrir une nouvelle ligne vers Toulouse.
- LGV Kénitra-Marrakech: le français Colas Rail remporte 430 millions d’euros de contrats. Le groupe français Colas Rail a remporté trois contrats d’un total de 430 millions d’euros pour la LGV Kénitra-Marrakech, signés en janvier 2025 avec l’ONCF. Ces contrats concernent des travaux de génie civil, d’infrastructures ferroviaires et de superstructure, avec des livraisons prévues entre 2027 et 2028. Le projet vise à prolonger la LGV Nord jusqu’à Marrakech en vue de la Coupe du Monde 2030.
- Alstom: un contrat à 600 millions d’euros pour moderniser et digitaliser le réseau ferroviaire allemand. Ce projet comprend la fourniture de technologies d’enclenchement digital et de sécurité des trains, notamment pour les aiguillages, signaux et systèmes de contrôle, avec une mise en œuvre jusqu’en 2032.
- SNCF, Keolis, Systra: ces entreprises françaises qui vont élaborer le premier TGV au Canada. Le gouvernement canadien a officialisé « Alto », un projet TGV reliant Québec à Toronto en trois heures sur une ligne dédiée de 1 000 km, pour un investissement total pouvant atteindre 80 milliards de dollars canadiens. Le consortium Cadence, regroupant les trois entreprises françaises et trois canadiennes, pilotera la première phase de conception et construction sur cinq ans (3,9 milliards de dollars), tandis qu’Alstom devrait concourir pour le choix des rames.
- Siemens signe un accord-cadre avec Northrail portant sur 50 locomotives Vectron. Siemens Mobility a signé un accord-cadre avec RIVE Private Investment pour la livraison de 15 locomotives Vectron et un contrat de maintenance de 8 ans, avec une option sur 35 locomotives supplémentaires et une prolongation du contrat.
- Fourniture de 168 trains LGV, RER et Intercity: Alstom, CAF et Hyundai Rotem retenus. Alstom, CAF et Hyundai Rotem ont remporté un contrat de 29 milliards de dirhams pour la fourniture de 168 trains (LGV, RER, et Intercity) à l’ONCF, avec une production locale prévue. Ce projet vise à moderniser les infrastructures ferroviaires du Maroc en vue de la Coupe du Monde 2030.
Et aussi..
- Voyages en train. Une carte inédite pour s’y retrouver dans les liaisons ferroviaires en France et en Europe. Jean-Luc Levoux, passionné de voyages en train, a créé « Cartotrain », une carte papier recensant toutes les lignes ferroviaires en France et en Europe, comblant ainsi une lacune. Disponible en librairies indépendantes, cette carte offre aussi des conseils pratiques pour voyager efficacement et économiquement en train.
- Faites une halte dans les plus belles gares transformées en hôtellerie de luxe. Découvrez les hôtels ferroviaires les plus insolites d’Europe et d’ailleurs : dormez dans un wagon Pullman au Old Station en Angleterre, séjournez dans l’ancienne billetterie de Whitwell Station sur l’île de Wight, ou profitez du luxe art déco du Canfranc Estación en Espagne. Plongez dans l’histoire des gares transformées, du Clermont London à l’élégant Kruger Shalati en Afrique du Sud, suspendu au-dessus d’un parc sauvage.
- En Allemagne, une usine de trains reconvertie dans la production de chars. L’entreprise franco-allemande KNDS reprend l’usine de trains de Görlitz, en Allemagne, pour y produire des composants de véhicules blindés, après la fermeture de ce site par Alstom. La transition complète de l’usine, qui commencera cette année, se terminera en 2027, avec des emplois transférés et créés dans le secteur de la défense.