Coopération
Alors que le secteur se porte bien et affiche des perspectives de croissance intéressantes pour les années à venir, le fret reste la grosse inconnue et joue encore sa survie après des années de disette. Les chiffres en Suisse – presque 74% de part modale ! – montrent pourtant que le transport ferroviaire de marchandises peut être une success story.
Cette souffrance n’a malheureusement rien de nouveau. Mais le liant entre les actualités de ce mois-ci l’est un peu plus: la coopération. Entre USA, pays du Golfe et Inde, pour contrer les nouvelles routes de la soie. Entre Grèce et France, pour pallier les défauts du réseau ferré hellène. Entre Japon et Indonésie, pour favoriser les transports en commun à Java et Sumatra. Entre géants Nord-Américains du fret, pour parcourir un continent beaucoup plus efficacement. Entre pays Baltes, pour se rattacher logistiquement à une Europe en paix. Entre régions françaises, pour mutualiser des moyens techniques. Entre SNCF et startups pour inventer les trains de demain.
Alors, est-on en droit d’espérer que les épines dans le pied du ferroviaire français (Lyon Turin, financement de 100Md€, …) connaîtront peut-être une solution inspirée elle-aussi par la coopération ?
L'actu de ce numéro
Gros titres
- Un train reliant l’Arabie saoudite et l’Inde, la réponse américaine à la Route de la Soie chinoise. Des pourparlers seraient en cours entre les USA, l’Arabie Saoudite, les Emirats Arabes et l’Inde pour connecter les pays du golfe entre eux via des voies ferrées et à l’Inde par voie maritime. L’idée, qui a mûri au cours de discussions pendant les 18 derniers mois (forum I2U2), impliquerait aussi Israël, avec pour but de créer une concurrence directe à la Chine et solidifier la présence américaine dans cette région du globe.
- Ligne Lyon – Turin : des parlementaires de tous bords appellent le Président à « respecter ses engagements » (Public Sénat) Le dernier rapport du Conseil d’Orientation des Infrastructures recommande de repousser « au plus tôt à 2045 » l’ouverture de la section française du tunnel. Une hérésie économique, environnementale et politique, pour de nombreux parlementaires. Un projet en péril.
- « Une Europe, un chemin de fer” : Plus de 50 000 véhicules ferroviaires autorisés depuis 2019. L’Agence de l’Union européenne pour les chemins de fer (ERA) est chargée, depuis juin 2019, de délivrer près de 60% des autorisations de véhicules valables dans tous les États membres de l’UE. Elle vient de délivrer la 50 000 ème de son histoire, et salue le pas vers une Europe harmonisée. Seuls 19% des autorisations ne concernent qu’un seul pays. Voir aussi : Ferroviaire : « La France manque de volonté dans l’interconnexion effective de ses réseaux régionaux au réseau européen ».
- Plan à 100 milliards pour le ferroviaire : selon Clément Beaune, « il est normal » que les autoroutes et le secteur aérien financent « davantage le train ». L’annonce fait évidemment débat, mais le ministre souhaite que celui-ci ne soit pas caricaturé, et cherche des pistes de financement réalistes. A suivre, donc.
L’international
- Trains à grande vitesse dans l’UE : l’exemple de l’essor en Espagne. Dossier décrivant l’essor rapide de la grande vitesse ferroviaire en Espagne, sur fond de baisse des prix et ouverture à la concurrence, particulièrement suite au quatrième paquet ferroviaire de l’UE. Un succès également largement présent en Italie, mais beaucoup moins en Allemagne ou en Pologne.
- Transport ferroviaire: trois géants s’unissent, du Canada au Mexique. Falcon Premium, c’est le nom donné au partenariat entre le Canadian National, l’américaine Union Pacific et la mexicaine Grupo México. Le nouveau service doit offrir une liaison ininterrompue, et minimisant les kilomètres de parcours, entre le cœur du Mexique et Chicago, et au-delà, vers tous les points de service Canadian National.
- Infrastructures ferroviaires : la guerre en Ukraine redynamise le projet Rail Baltica. Plus gros projet actuel du Réseau Transeuropéen de Transport, il reliera les capitales de la Lituanie, la Lettonie et l’Estonie à Varsovie et au reste de l’Europe, au cours d’un trajet de plus de 700km, et au temps de parcours divisé par deux. La guerre en Ukraine accélère le désir de ces pays de s’ancrer à l’Ouest.
- La France promet des bateaux, des autobus et des rails à l’Ukraine. 20% des coûts de reconstruction de l’Ukraine seraient imputables aux seules infrastructures de transport. Parmi d’autres aides, Paris s’est engagé « à fournir 20 000 tonnes de rails à l’Ukraine, pour reconstruire plusieurs centaines de kilomètres de chemins de fer » endommagés par les combats et bombardements.
- En Allemagne, la vétusté du réseau ferroviaire freine le développement du train. Deux décennies de sous-investissement, pour un réseau en piteux état et à rénover dans son intégralité. C’est le constat que fait le gouvernement allemand, face à la grogne des usagers qui font face à un niveau de performance très insuffisant.
- Traverser tout le pays en train pour 49 euros par mois : l’Allemagne lance sa « révolution ferroviaire ». Le pays souhaite toutefois maintenir l’engouement du pays pour les transports en commun par une offre tarifaire intéressante.
- En Suisse, le rail stagne, mais garde nettement la tête. Même si les pics de 2021 n’ont pu être égalés l’année suivante (en « baisse » de 0.3%), le fret ferroviaire a malgré tout représenté 70% du transport de marchandise dans le pays. Chapeau !
- Accident ferroviaire en Grèce : la France apporte son savoir-faire. Signature d’un accord de coopération ferroviaire par les ministres délégués aux Transports français et grec, suite au déraillement meurtrier du 28 février dernier. Les grands axes de l’accord prévoient «la réévaluation régulière» des systèmes de fonctionnement ferroviaire, «l’application des pratiques internationales» en matière de sécurité et le «transfert du savoir-faire».
- L’Indonésie renforce sa coopération ferroviaire avec le Japon. A l’occasion du G7 à Hiroshima, l’Indonésie souhaite discuter d’une coopération avec le Japon pour développer l’écosystème ferroviaire de son pays. Son objectif est d’accroître l’intérêt du public pour les transports en commun, et réduire l’utilisation des véhicules privés.
Régions
- Train. La Région crée une société publique pour investir dans les TER. Nouvelle Aquitaine et Occitanie, deux régions connues pour leur engagement en faveur du train, s’allient pour constituer la Société publique interrégionale des investissements en faveur des transports (Spiit). Les deux régions sont (ou deviennent) propriétaires de leur matériel roulant, et souhaitent entre autres mutualiser des moyens d’ingénierie.
- Décarbonation de l’industrie ferroviaire : la Région Occitanie investit à grande vitesse dans les trains propres. Avec l’objectif de transporter plus de 100 000 passagers par jour, avec une offre accrue de 24% d’ici 9 ans, la région annonce 4 Md€ d’investissement destiné en partie aux trains à hydrogène et aux trains hybrides.
- Suspendu, le train « Perpignan-Rungis » des primeurs enfin relancé. Suite d’un des feuilletons ferroviaires les plus emblématiques du pays. Après avoir été suspendu plusieurs semaines, l’unique train des primeurs du pays reprend du service. Des élus et syndicats appellent maintenant à la création d’un second train quotidien. Et, pour un qui repart, combien s’arrêtent ?
- Fret ferroviaire : point sur les travaux de régénération de la ligne Laluque – Tartas. Les travaux de régénération de la voie nécessaires à la remise en exploitation de la ligne de fret (200 000 tonnes par an), sont en cours dans les Landes. Livraison en Août 2023.
- Installation du comité départemental de suivi du grand projet ferroviaire du Sud-Ouest en Gironde. Il réunit l’ensemble des acteurs concernés pour informer les acteurs du territoire sur l’avancement du projet, accompagner sa mise en œuvre, et assurer le suivi et la prise en compte par les maîtres d’ouvrage des mesures prévues dans le dossier des engagements de l’Etat.
- Ligne nouvelle Paris-Normandie. Un « pack normand » pour défendre le projet ferroviaire. Toute la complexité de ce type de projet peut se lire dans l’opposition entre ceux qui défendent les temps de transport et les faibles émissions, d’un côté, et ceux qui s’opposent à l’artificialisation des sols, qui est également un objectif de la loi climat et résilience. Expertise et études sont la seule solution.
Entreprises
- Fret ferroviaire : 4F alerte le gouvernement sur le risque d’un « report modal inversé » L’association demande des aides plus conséquentes face au risque existentiel que représente la hausse des prix de l’énergie. La possibilité de résilier leur contrats d’électricité actuels ne suffit pas à redonner de la visibilité aux acteurs d’un secteur fragile, dont le premier trimestre a été catastrophique et inquiets du manque de réponse de l’exécutif.
- Ferroviaire: Alstom remporte un important contrat aux États-Unis. l’Administration des Transports du Maryland confie 5 ans (renouvelables d’exploitation et de maintenance de trains de la banlieu de Washington au géant ferroviaire français. En France, voir aussi : Alstom milite pour une loi de programmation ferroviaire, afin d’apporter plus de visibilité à son activité, dans une nouvelle phase d’expansion.
- Keolis remporte un contrat ferroviaire aux Pays-Bas. Keolis Nederland exploitera et assurera la maintenance d’une ligne ferroviaire interurbaine desservant 8 stations sur 34km. Le contrat de 13 ans représente un chiffre d’affaires de 150M€ pour l’entreprise.
- SNCF : Ouigo fête ses 10 ans, les compagnies ferroviaires low cost prennent l’exemple. Succès incontestable, OUIGO est aujourd’hui présent à l’étranger (en Espagne et bientôt en Italie). La concurrence s’organise, à l’image de FlixTrain, et tout le secteur pourrait connaître une révolution à bas prix comme celle de transport aérien.
- Train : Railcoop met en pause le fret au profit de l’activité voyageurs entre Bordeaux et Lyon programmée en 2024. Suite à un premier trimestre difficile, la coopérative au 14000 sociétaires met en pause sa récente activité ferroviaire pour se concentrer sur l’ouverture de sa ligne phare de transport de voyageurs, et une nouvelle levée de fonds pour compléter sa trésorerie.
- Ouverture à la concurrence du ferroviaire pour Bruxelles, la Renfe ne joue pas le jeu de l’open data. La libéralisation du marché passe par le libre accès aux informations, et l’UE reproche à Renfe de bloquer l’accès à son contenu et ses données en temps réel aux sociétés concurrentes, les empêchant de proposer des offres alternatives à celle de l’opérateur historique.
- Comment Deutsche Bahn veut réussir à décentraliser son IT. Le DSI du groupe ne veut pas d’une centralisation des projets informatiques, mais des ilots décentralisés gérant leurs projets en fonction des exigences et de la culture locales, avec uniquement une mutualisation de plateformes communes. Le tout au service de la stratégie ferroviaire du pays, qui passe désormais obligatoirement par l’informatisation.
- Everysens lève 6 millions d’euros pour sa solution de suivi du fret ferroviaire. Dans la même veine, une start-up lilloise Everysens développe une plateforme (logiciels + capteurs) de suivi et de gestion en temps réel du fret ferroviaire.
Et aussi..
- À 359 mètres au-dessus de la rivière, voici le pont ferroviaire le plus haut du monde. La Tour Eiffel tiendrait sous son arche, et il s’apprête à entrer en service vers la fin de l’année 2023, dans la région du Cachemire.
- Les petits trains du futur agitent le monde du ferroviaire. L’idée n’est pas récente, mais elle suit son chemin. Trois pistes sont privilégiées au sein de la SNCF, chacune adaptée à un contexte spécifique, et toutes destinées à sauver les petites lignes, aujourd’hui souvent incapables de supporter le trafic de trains lourds. Démonstration attendue en 2025, et exploitation en 2027 ?
- Ligne Béziers Neussargues : le viaduc ferroviaire de Garabit comme jamais imaginé. L’Intelligence Artificielle au service du design … créatif … d’ouvrages d’art ferroviaires.
- Replay de la table ronde SIFER sur l’hydrogène pour les engins de travaux ferroviaires :